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Écrit par Pierre Hubert Belinga

Conférence au Centre Jean XXIII le Mercredi, le 12 Décembre 2012 par S.E. Victor TONYE BAKOT Archeveque de Yaoundé.

Le plus grand événement de très grande portée qui a marqué la deuxième moitié du 20e siècle est sans conteste le Concile Vatican II. Il s’est ouvert à Rome le 11 octobre 1962 en présence de 2.500 pères conciliaires. C’est le Pape Jean XXIII qui l’a convoqué dans le but de vouloir changer le visage de l’Eglise et la vie quotidienne des Catholiques.

Contrairement aux 20 conciles de l’histoire, Vatican II n’a pas été convoqué pour régler un conflit ou une crise dans l’Eglise. Jean XXIII, lorsqu’il a annoncé la tenue de ce Concile le 25 janvier 1959, a explicitement souhaité qu’il ait une dimension pastorale, ce que relève son discours d’ouverture :

« Il faut que cette doctrine certaine et immuable qui doit être respectée fidèlement, soit approfondie et présentée de la façon qui répond aux exigences de notre époque. En effet, autre est le dépôt lui-même de la foi, c’est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérable doctrine, et autre est la forme sous laquelle ces vérités sont énoncées en leur conservant toutefois le même sens et la même portée. Il faudra attacher beaucoup d’importance à cette forme et travailler patiemment, s’il le faut, à son élaboration. Et on devra recourir à une façon de présenter qui corresponde mieux à un enseignement de caractère surtout pastoral » Fin de citation.

Manifestement, le Pape Jean XXIII voulait changer le ton dans la perception des choses de l’Eglise, et pour cela, l’Eglise devait recourir au remède de la miséricorde plutôt que de brandir les armes de la sévérité.

Le Concile Vatican II va se tenir en quatre sessions, d’octobre 1962 à décembre 1965. 16 documents importants seront publiés par les pères synodaux.

Nous voudrions, à travers les lignes qui suivent, présenter de façon synthétique les sept défis que le Concile a eu à relever. Je n’entends pas passer les 16 documents en revue, mais montrer l’importance des thèmes qui pourraient d’une façon synthé-tique nous donner la quintessence de la réflexion des pères conciliaires.

Introduction : La constitution dogmatique sur la révélation Dei Verbum (parole de Dieu)

A ce sujet, le Père De Lubac dit :

« La Constitution sur l’Eglise (Lumen Gentium) est la colonne vertébrale du Concile. En revanche, la constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine en est la tête ».

C’est l’un des documents majeurs de Vatican II. Cette constitution fut adoptée à la fin de la dernière session du Concile. La révélation nous est transmise par l’écriture et la tradition, mais pour mieux présenter les choses, ce que les pères conciliaires ont retenu, c’est qu’il n’y a qu’une source venue de la bouche même du Christ, d’où provient toute la révélation, laquelle nous parvient selon deux modalités indissociables et qui, dit le décret, doivent être vénérées avec le même sentiment de piété et de respect L’ECRITURE DE LA TRADITION. Le Christ Seigneur est la source de toute vérité salutaire et de toute règle morale.

Nous allons maintenant présenter les passages clés de Dei Verbum.

Qu’est-ce que la Révélation en elle-même ?

La réponse est claire : « Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté, de se révéler ».

C’est Dieu qui prend l’initiative de se révéler (se manifester) aux hommes pour leur faire partager sa nature divine, s’adressant à eux en son immense amour ainsi qu’à des amis :

« Cette économie de la révélation se fait par des actions (gestis) et des paroles étroitement liées entre elles ».

Le mot « économie » est à prendre ici au sens particulier où l’emploient les Pères grecs, de « dessein ou plan de Dieu pour le salut des hommes ». Le mot latin Gesta traduit ici par « actions » désigne un exploit, un « haut fait ». La révélation s’accomplit par les hauts faits, les actions de Dieu. Le Concile veut d’abord signifier que Dieu se dit dans la précarité de l’histoire des hommes ; elle-même à comprendre aux yeux de la foi, comme histoire du salut. C’est pourquoi sa révélation se dit, non pas dans des concepts abstraits, mais de façon concrète à travers les récits d’une histoire sainte.

Puisque Dieu se dit dans l’histoire, plutôt que de donner une définition abstraite de la révélation, le Concile présente les grandes étapes d’une histoire du salut comprise d’abord comme préparant au cours des siècles la voie à l’Evangile, tandis que Jésus, par toute sa présence, et par la manifestation qu’il fait lui-même par paroles et par œuvres, par signes et miracles, et plus particulièrement par sa mort et par sa résurrection d’entre les morts, par l’envoi de l’Esprit de Vérité, achève en la complétant la révélation, en sorte qu’aucune nouvelle révélation publique n’est à attendre avant la manifes-tation glorieuse de Notre Seigneur Jésus Christ.

Le chapitre II aborde le thème délicat de la Tradition

L’emploi du mot Tradition n’est pas toujours clair ; il est successivement question des traditions, et de la Tradition reçue des apôtres.

Mais, ce qu’il y a de nouveau et que l’Eglise reconnaît est que pour la première fois, la tradition s’accompagne d’un projet, d’un développement.

Nous avons déjà souligné plus haut que tradition et écriture ne sont pas deux sources séparées, mais deux modalités de transmission provenant d’une source unique : la bouche du Christ, et je cite :

« La sainte Tradition et la Sainte Ecriture sont donc reliées et communiquent étroitement entre elles, car toutes deux jaillissant de la même source divine, s’unissant pour ainsi dire en un seul tout et tendent vers la même fin ».

Le chapitre III aborde la délicate question de l’inspiration divine de la Sainte Ecriture et son interprétation.

« Les choses divinement révélées qui sont contenues et se présentent sous forme écrite dans la sainte Ecriture ont été consignées sous le souffle de l’Esprit ». Le mot « souffle » de l’Esprit n’est autre que l’inspiration. Le Concile affirme que c’est Dieu qui a inspiré les auteurs humains ou hagiographes (hagios = saint ; graphein = écrire) qui, bien qu’inspirés, n’en restent pas moins de véritables auteurs avec leur personnalité propre.

De la même manière, la Sainte Ecriture dont être lue et interprétée à la lumière de l’Esprit Saint qui la fit rédiger.

Le chapitre IV aborde l’importance de l’Ancien Testament qui doit être considéré comme significatif pour les chrétiens.

Ce chapitre témoigne de la compréhension proprement chrétienne de l’Ancien Testament interprété comme une préparation de la venue du Christ.

Le chapitre V présente le Nouveau Testament comme un écrit de très grande portée, en particulier la place éminente des 4 évangiles.

Le Concile parle d’évangile quadriforme. Cette expression vient de Saint Irénée et indique que c’est toujours la même Bonne Nouvelle de Jésus Christ mort et ressuscité pour nous que visent les récits évangéliques, mais chacun selon une forme qui lui est propre.

Si c’est à la lumière de la foi au ressuscité que les évangiles ont été écrits pour que vous croyiez (Jn 20, 31), ils ne sont cependant ni des fables, ni des inventions des communautés dans lesquelles ils ont été élaborés.

Enfin, le dernier chapitre présente la Sainte Ecriture dans la vie de l’Eglise.

Ce dernier chapitre montre la place de l’Ecriture dans la vie de l’Eglise et donc, des chrétiens. On peut dire qu’avec ce chapitre, Dei Verbum a en quelque sorte rendu la Bible aux Catholiques.

Le paragraphe 21 est particulièrement éclairant de l’impor-tance de la parole de Dieu dans la vie de l’Eglise :

« L’Eglise a toujours vénéré les Saintes Ecritures comme elle vénère le Corps même du Seigneur, elle qui ne cesse pas, surtout dans la sainte liturgie, de prendre le pain de vie sur la table qui est aussi bien celle de la Parole de Dieu que celle du Corps du Christ, pour l’offrir aux fidèles ».

L’allusion à la table de la Parole et du Corps du Christ où se nourrissent les chrétiens est une expression qui provient des Pères de l’Eglise.

Cette place de l’Ecriture implique plusieurs conséquences :

1. Il faut que l’accès à la Sainte Ecriture soit largement ouvert aux fidèles (§ 22). Le Concile souhaite une traduction œcuménique de la Bible utilisable par tous les chrétiens : catholiques, orthodoxes, protestants, anglicans. Ce travail sera entrepris en 1965 par la traduction œcuménique de la Bible (TOB), et achevé en 1988.

2. Le Concile insiste également pour que la Bible soit l’âme de la théologie selon une formule déjà employée par Léon XIII et reprise par Benoît XV.

3. Le Concile insiste sur la place que la Bible doit tenir dans la prédication, la catéchèse et l’homélie.

4. Au paragraphe 25, nous avons cette belle affirmation de Saint Jérôme qui dit : « L’ignorance des Ecritures, c’est l’ignorance du Christ ».

Quelles sont les conséquences de Dei Verbum

1. Une large diffusion de la Bible en milieu catholique.

L’importance la plus visible de Dei Verbum est certai-nement la diffusion de la Bible dans les milieux catholiques et la mise en place des formations pour une initiation véritable.

2. L’étude de la Bible grâce à Dei Verbum s’est multipliée et s’est développée.

En 1993 est publié le texte de la Commission Biblique Pontificale sur l’interprétation chrétienne de la Bible ;

Un style qui restera dans l’histoire.

La Constitution Dei Verbum traite de la difficile question de la Bible et de la tradition dans l’accueil des révélations divines. Dans le même contexte, elle traite aussi de la place de la parole des magistères dans la tradition catholique.

Conclusion sur ce chapitre

Les pères conciliaires invitent les chrétiens à écouter la Parole de Dieu avant de l’annoncer. Le but poursuivi est ensuite dessiné grâce à la belle citation de Saint Augustin : « Croire pour espérer, espérer pour aimer ». Il ne s’agit donc pas d’une Eglise qui s’érige en juge, mais qui se met à l’écoute de la Parole de son Dieu, pour l’annoncer afin de susciter foi, espérance et amour.

1. Premier défi : l’Eglise comme mystère et peuple de Dieu

Les Evêques ont voulu répondre à la question suivante : Eglise, que dis-tu de toi-même ?

A cet effet, le Concile produira d’une part deux constitutions sur l’Eglise : la constitution dogmatique sur l’Eglise (Lumen Gentium), et la constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes). Mais, il y aura aussi une série de décrets dont un sur l’œcuménisme, et deux déclarations sur la liberté et l’autre sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes. Le décret Ad Gentes sur l’activité missionnaire de l’Eglise développera les conséquences des deux constitu-tions et stimulera les Eglises plus anciennes à s’investir dans le soutien des jeunes Eglises.

Comment la question de l’Eglise se posait-elle aux Pères de Vatican II ?

Au 18e siècle et surtout au 19e, l’Eglise se considère comme une institution contestée, et la question qu’est ce que l’Eglise se pose alors aux catholiques. Ils la définissent volontiers comme societas perfecta ou société complète, complète dans ce sens qu’elle n’a besoin de personne d’autre pour exister.

La question de l’Eglise dans Lumen Gentium est primordiale. L’Eglise dans cette constitution est d’abord à comprendre comme mystère de foi. Voici ce que dit la constitution au § 1 :

« L’Eglise étant dans le Christ en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain, elle se propose de préciser davantage, pour ses fidèles et pour le monde entier, en se rattachant à l’enseignement des précédents conciles, sa propre nature et sa mission universelle ».

Le terme « sacrement » n’est pas d’usage habituel : il ne s’agit pas d’un 8e sacrement. L’Eglise ici est considérée en quelque sorte comme sacrement, c’est-à-dire à la fois signe et moyen ; un signe renvoie à autre chose que lui-même ; de même un moyen est ce qui sert pour arriver à une fin. Le Concile indique ainsi que l’Eglise est une réalité visible qui doit faire signe vers une autre réalité qui elle, ne peut être appréhendée que par ses moyens propres.

L’Eglise est la fois le signe et le moyen, autrement dit en un seul mot « sacrement ». Mais, l’Eglise n’est cela que dans le Christ. L’Eglise en son mystère ne peut véritablement se comprendre qu’en référence au Christ Jésus comme la lumière des peuples. C’est le Christ qui est la lumière des peuples. L’Eglise n’existe pas pour elle-même, mais pour permettre aux hommes de rencontrer le Christ Jésus. Ce recentrage sur le Christ est typique de Lumen Gentium.

Pour le Concile, l’Eglise est sacrement du salut, ou encore sacrement universel du salut. Mais qu’est-ce que le salut ?

Réponse : l’union intime avec Dieu et l’unité de tout le genre humain.

Au paragraphe 7 de Lumen Gentium, l’Eglise est présentée comme Corps mystique du Christ où la vie du Christ se répand dans les croyants à travers les sacrements.

L’Eglise est une réalité complexe, à la fois visible et spirituelle. Voici ce que dit Lumen Gentium au § 8 :

« Le Christ, unique médiateur, crée et continuellement soutient sur la terre comme un tout visible son Eglise sainte, communauté de foi, d’espérance et de charité par laquelle il répand à l’intention de tous la vérité et la grâce… ».

Le même § 8 insiste sur l’unique l’Eglise du Christ dont nous professons dans le symbole l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité. Cette Eglise comme société constituée et organisée en ce monde subsiste dans l’Eglise catholique, gouvernée par le successeur de Pierre et les Evêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de sa sphère, éléments qui, en tant que dons propres à l’Eglise, poussent à l’unité catholique.

La fin de ce paragraphe 8 présente le Christ comme modèle de l’Eglise, rappelant que l’Eglise qui renferme dans son propre sein des pécheurs, est à la fois sainte et toujours appelée à se purifier et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement.

Lumen Gentium présente aussi l’Eglise comme peuple de Dieu. C’est par le baptême que l’on devient membre du peuple de Dieu. Il existe donc une égale dignité des baptisés, (un sacerdoce commun des baptisés), qui est antérieure à toute distinction d’état ou de fonction dans l’Eglise. L’expression « peuple de Dieu » réfère à la convocation par Dieu de son peuple en assemblée au désert. Pour traduire le mot hébreu d’assemblée, la traduction grecque de la Bible a utilisé le plus souvent le mot ecclesia. Ce mot est formé sur la même racine que le verbe grec convoquer. Oui, l’Eglise est la convocation par Dieu de son peuple.

Voici donc comment le Concile désigne l’Eglise comme sacrement visible et comme peuple de Dieu :

« L’ensemble de ceux qui, dans la foi, regardent vers Jésus, auteur du salut, principe d’unité et de paix, Dieu les a convoqué, il en a fait l’Eglise pour qu’elle soit, aux yeux de tous et de chacun, le sacrement visible de cette unité salutaire. Destinée à s’étendre à toutes les parties du monde, elle prend place dans l’histoire humaine, bien qu’elle dépasse à la fois les temps et les frontières des peuples.

La notion de peuple de Dieu telle qu’on la tire des Saintes Ecritures permet d’affirmer à la fois l’égalité de tous les baptisés dans la dignité de l’existence chrétienne qualifiée comme sacerdotale, royale et prophétique, et la diversité des services ou offices qui entraîne, sous l’angle fonctionnel, une inégalité ».

Ce sont les trois qualifications sacerdotales, prophétiques et royales que le Concile développe en parlant de sacerdoce commun :

1. Disciples imitateurs du Christ comme lui pour offrir sa vie à Dieu.

2. Témoins du Christ sur toute la surface de la terre.

Cette présentation du sacerdoce commun nous permet alors de définir le sacerdoce commun par rapport au sacerdoce ministériel.

« Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, bien qu’il y ait entre eux une différence essentielle et non seulement de degré, sont cependant ordonnés l’un à l’autre : l’un et l’autre, en effet, chacun selon son mode propre, participent de l’unique sacerdoce du Christ ».

Après avoir exposé la participation du peuple de Dieu au sacerdoce du Christ, Lumen Gentium, au § 12, aborde un autre aspect de l’Eglise, sa fonction prophétique :

« Le peuple saint de Dieu participe aussi de la fonction prophétique du Christ… L’ensemble des fidèles ayant l’onction qui vient du SAINT ne peut faillir quand il croit. Ce don particulier qu’il possède, il le manifeste par le moyen du sens surnaturel de foi du peuple tout entier, lorsque des Evêques jusqu’au dernier des fidèles laïcs, elle apporte aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel ».

Ce chapitre se poursuit par la présentation de Marie dans le mystère du Christ et de l’Eglise.

Le Concile précise qu’il n’est pas question de faire au sujet de Marie un exposé doctrinal complet, ni de trancher les questions que le travail des théologiens n’a pu encore amener à une lumière totale. Le Concile ajoute les précisions suivantes :

« Que les fidèles se souviennent qu’une véritable dévotion ne consiste nullement dans un mouvement stérile et éphémère de la sensibilité, pas plus que dans une vaine crédulité ; la vraie dévotion procède de la vraie foi, qui nous conduit à reconnaître la dignité éminente de la Mère de Dieu, et nous pousse à aimer cette Mère d’un amour filial et à poursuivre l’imitation de ses vertus ».

Marie, signe d’espérance assurée et de consolation pour le peuple de Dieu pérégrinant sur terre, reste un modèle à imiter pour tous les croyants.

Lumen Gentium aborde comme dernier thème le rôle de la vie religieuse.

D’après Lumen Gentium, la vie religieuse manifeste par excellence la gratuité du don de Dieu. La vie religieuse est nécessaire pour la vie de l’Eglise. C’est une suite du Christ qui se fait dans les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Tous les chrétiens n’y sont pas appelés, mais la vie religieuse rappelle que la vocation de chacun est de suivre le Christ. Tel est bien le mystère dont l’Eglise est porteuse et qu’elle se doit d’annoncer. La variété des charismes et des états de vie est un signe de la diversité et de la prodigalité des dons de l’Esprit. C’est ce que rappelait le Pape Jean Paul II au début de son encyclique Vita Consecrata qui fait suite au synode sur la Vie Religieuse :

« Le synode, à la suite de ceux qui ont été consacrés aux laïcs et aux prêtres, complète l’examen systématique des données particulières qui caractérisent les états de vie voulus par le Seigneur Jésus pour son Eglise. En effet, si le Concile Vatican II a souligné la grande réalité de la communion ecclésiale où convergent tous les dons en vue de la construction du Corps du Christ et de la mission de l’Eglise dans le monde, au cours de ces dernières années, il a paru nécessaire de mieux expliquer l’identité des différents états de vie, leur vocation et leur mission spécifique dans l’Eglise. Dans l’Eglise en effet, la communion n’est pas uniformité, mais elle est un don de l’Esprit qui passe à travers la variété des charismes et des états de vie. Ceux-ci seront d’autant plus utiles à l’Eglise et à sa mission que l’on respectera davantage leur identité. De fait, tout don de l’Esprit est accordé afin qu’on le fasse fructifier pour le Seigneur, dans le progrès de la fraternité et l’avancée de la mission » (Vita Consecrata).

2. Le défi d’une organisation pour la mission

Le peuple de Dieu n’est pas une troupe informe, il est structuré.

C’est ce que nous affirme la constitution hiérarchique de l’Eglise. Il est très important de noter la notion de la collégialité à Vatican II. C’est dans le § 19 de Lumen Gentium qui dit : « Le Seigneur Jésus a institué ses apôtres sous la forme d’un collège, c’est-à-dire d’un groupe stable, à la tête duquel il mit Pierre choisi parmi eux ». Le Concile rappelle que la mission confiée par le Christ aux apôtres devra durer jusqu’à la fin des siècles.

Quant à eux, les évêques, en vertu d’une institution divine, succèdent aux apôtres. C’est en vertu de cette institution divine qu’ils président au nom et à la place de Dieu le troupeau dont ils sont les pasteurs.

Au § 27 de Lumen Gentium, les évêques sont désignés comme vicaires et légats du Christ. Et le Concile insiste sur ce point : « on ne doit pas considérer les évêques comme les vicaires des pontifes romains, car ils exercent un pouvoir qui leur est propre ». Et ce pouvoir propre leur est conféré par la consécration épiscopale.

Par ailleurs, voici ce qui est dit au § 21 :

« Le saint Concile enseigne que par la consécration épiscopale, est conférée la plénitude du sacrement de l’Ordre que la coutume liturgique de l’Eglise et la voix des saints Pères désignent en effet sous le nom de sacerdoce suprême… ».

Quelles sont les trois charges de l’évêque :

Les § 25 et 27 détaillent les trois charges de l’évêque :

1. Enseigner § 25) : parmi les charges principales de l’évêque, la prédication de l’Evangile est la première.

2. Sanctifier (§ 26) : il insiste sur la place de l’eucharistie et le rôle de l’évêque par rapport aux sacrements de baptême, de confirmation, de l’ordre et la régulation de la pénitence.

3. Gouverner (§ 27) : l’évêque doit garder devant ses yeux l’exemple du Bon Pasteur, venu non pas pour se faire servir, mais servir.

Le § 24 insiste sur le fait que le ministère épiscopal est un véritable service.

Lumen Gentium traite en outre de la place des églises locales ou particulières :

« Les évêques, chacun pour sa part, placés à la tête de chacune des églises particulières, exercent leur autorité pastorale sur la portion du peuple de Dieu qui leur a été confiée et non sur les autres Eglises, ou sur l’Eglise universelle ».

Il y a une distinction à faire entre portion et partie. Prenons l’exemple d’une tarte aux oignons : les oignons ou la pâte ne sont qu’une partie des divers éléments qui composent le gâteau, alors qu’avec une portion, nous avons tous les éléments qui composent le gâteau, bien que nous n’en ayons qu’une partie. Ainsi, dans l’Eglise particulière locale que compose un diocèse, l’Eglise du Christ est vraiment présente et bien que limitée à une partie d’un territoire, le diocèse n’en existe pas moins selon « le tout » de l’Eglise. Autrement dit, tout le mystère y est présent. « Selon le tout », cela se dit en grec kata holon, d’où le mot catholique, qui en vient à signifier aussi, mais dans une deuxième temps, « universel ».

Le chapitre IV de Lumen Gentium parle de ces chrétiens qui portent le nom de laïcs, reconnaissant qu’aux laïcs, hommes et femmes, reviennent un certain nombre de choses dont les circonstances spéciales à notre temps obligent d’étudier de plus près les fondements et qu’il convient de reconnaître les ministères et les grâces propres à ceux-ci.

Au n° 31, le Concile définit les laïcs :

« Sous le nom de laïcs, on entend ici l’ensemble des chrétiens qui ne sont pas membres de l’ordre sacré et de l’état religieux sanctionné dans l’Eglise, c’est-à-dire les chrétiens qui, étant incorporés au Christ par le baptême, intégrés au peuple de Dieu, faits participant à leur manière à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, exercent pour leur part dans l’Eglise et dans le monde la mission qui est celle de tout le peuple chrétien ».

A la différence de ceux qui sont ordonnés au ministère sacré, et des religieux, la vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu… A cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment ».

Le paragraphe 33 rappelle la participation des laïcs à la mission de l’Eglise. « Les laïcs sont appelés tout spécialement à assurer la présence et l’action de l’Eglise dans les lieux et les circonstances où elle ne peut devenir autrement que par eux le sel de la terre ».

« Outre cet apostolat, les laïcs peuvent encore, de manières diverses, être appelés à coopérer plus immédiatement avec l’apostolat hiérarchique, c’est-à-dire celui organisé par les évêques ou le Pape. C’est dans ce contexte que se situe le mandat donné par l’évêque à des laïcs ».

Le § 36 apporte une ébauche sur l’apostolat des laïcs en disant ceci au § 37 :

« Comme tous les chrétiens, les laïcs ont droit de recevoir en abondance des pasteurs sacrés les ressources qui viennent des trésors spirituels de l’Eglise, en particulier le secours de la Parole de Dieu et des sacrements ».


3. Le défi de l’unité des chrétiens

Le décret sur l’œcuménisme est tout à fait nouveau, et personne ne le prévoyait au début du Concile.

D’où vient le mot « œcuménisme » ? Œcuménisme vient du grec oekuméné, c’est-à-dire la terre habitée, l’univers. Le français n’a longtemps possédé que l’adjectif « œcuménique ».

Un concile œcuménique est un concile qui réunit théorique-ment tous les évêques de l’univers, les pères, par opposition à un concile régional ou provincial qui ne réunit que les évêques d’une région ou d’une province. Le terme œcuménisme est donc de création récente. Il désigne le mouvement favorable à la réconciliation et la réunion des différentes Eglises chrétiennes.

Faisons un bref rappel historique sur les ruptures entre chrétiens :

1. Au 5e siècle, suite au concile d’Ephèse en 431 condamnant Nestorius, ses partisans se séparèrent et formèrent l’Eglise nestorienne, qui connut une expansion mission-naire considérable jusqu’en Chine et en Inde du Sud. Cette Eglise est aujourd’hui éteinte, car la plupart de ses fidèles ont rallié la communion catholique au 16e siècle et forment le rite chaldéen ;

2. Au 5e siècle, suite au Concile de Chalcédoine (451), des Eglises n’ont pas « reçu » les définitions de ce concile. Ce sont les Eglises orientales non chalcédonniennes ou monophysites : Eglise copte (Egypte), éthiopienne, Eglise syrienne, jacobite ;

3. L’histoire des relations entre chrétiens latins et grecs est complexe et tissée d’une série de ruptures et de rapprochements du 5e au 11e siècle. Si l’année 1054 constitue la date symbolique de rupture, la prise et le sac de Constantinople par les Croisés en 1204 ont laissé une trace autrement irréversible dans la mémoire des Orientaux (orthodoxes).

4. Le 15 juin 1520, la bulle Exsurge Domine du Pape Léon X condamne officiellement les positions de Luther qui, devant Charles Quint, maintint ses positions à la diète de Worms (1521). La rupture, vécue douloureusement par les chrétiens, donne lieu dans la 1re moitié du 16e siècle à des essais de rapprochement, mais qui resteront infructueux. Citons la diète d’Augsbourg en 1530 dont la fameuse « Confession » proposée par les luthériens ne fut pas acceptée par le parti catholique ;

5. Le schisme anglican date d’Henri VIII et s’établit définitivement comme religion d’Etat sous Elisabeth I, Reine d’Angleterre de 1558 à 1603. Le Common prayer book et les 39 articles synthétisent des éléments empruntés au catholicisme et au protestantisme. Henri VIII voulait épouser en secondes noces Anne Boleyn dans l’Eglise catholique, ce que le Pape refusa. Alors, le Roi Henri VIII décida de fonder une religion d’Etat dont il serait désormais le seul chef. C’est de là qu’est parti l’anglicanisme.


Face aux divisions qui déchirent l’Europe, les chrétiens auraient souhaité la réunion d’un concile pour refaire l’unité. Malgré des tentatives de rapprochement entre catholiques et protestants entre 1910 et 1960, aucune d’elles n’aboutira à un rapprochement significatif. C’est le Pape Jean XXIII qui va faire prendre à l’Eglise catholique un tournant inattendu. C’est symboliquement à la fin de la semaine de prières pour l’unité des chrétiens, le 25 janvier 1959, qu’il annonce sa décision de réunir un concile. Avant l’ouverture du concile, deux initiatives de Jean XXIII traduisent sa volonté d’unité :

1. La création du Secrétariat pour l’unité des chrétiens confié au Cardinal Béa ;

2. L’invitation au Concile Vatican II pour les autres confessions chrétiennes.

Dans son discours d’ouverture le 11 octobre 1962, le Pape Jean XXIII assigne explicitement pour tâche au Concile, outre la réforme interne de l’Eglise, la question de l’unité des chrétiens. Le préambule du texte du décret sur l’unité des chrétiens est clair :

« Promouvoir la restauration de l’unité entre tous les chrétiens est un des buts principaux du saint Concile œcuménique Vatican II. Une seule et unique Eglise a été instituée par le Christ Seigneur. Et pourtant, plusieurs communautés chrétiennes se présentent aux hommes comme le véritable héritage de Jésus Christ. Tous certes confessent qu’ils sont les disciples du Seigneur, mais ils ont des attitudes différentes. Ils suivent des chemins divers, comme si le Christ lui-même était partagé. Il est certain qu’une telle division s’oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Evangile à toute créature ».

Mais alors, une question se pose : comment réaliser le véritable œcuménisme ? On y arrive par une véritable conversion intérieure. En effet, la démarche œcuménique ne vise pas à convertir l’autre, mais elle est pour chacun un chemin de conversion pour aller vers l’unité voulue par Jésus. Dans ce cheminement, la prière commune peut être appelée œcuménisme spirituel. Sans mentionner la semaine de prière pour l’unité, le Concile souhaite que les catholiques s’associent pour prier avec leurs frères séparés.

Il est intéressant de noter que le Concile appelle les Eglises protestantes « communautés ecclésiales séparées ». Ces communautés ont bien le caractère d’Eglise, mais entre ces communautés ecclésiales et l’Eglise catholique, il peut y avoir certains points qui servent de base et de départ au dialogue à savoir, la place faite au Christ (§ 20), l’amour et la vénération de l’Ecriture Sainte (§ 21), le baptême (début du § 22).  Mais le Concile souligne aussi les différences, notamment sur la place occupée par le magistère dans la foi catholique et sur l’eucharistie.

Néanmoins, il subsiste des problèmes théologiques principaux :

1. Le rôle et la mission du Pape.

C’est pourquoi dans son Encyclique Ut Unum sint, le Pape Jean Paul II invite les autres confessions et les théologiens à faire des propositions pour un exercice de ce ministère qui soit effectivement un ministère d’unité.

2. Il y a aussi l’autre question concernant l’Ecriture : la valeur donnée à l’Ecriture Sainte et, dans l’Eglise catholique, la place reconnue à ce magistère qui n’existe pas dans les autres confessions.

3. Il y a un autre point de litige : les sacrements.

Pour les Eglises de la Réforme, on ne reconnaît que le baptême et l’eucharistie.

En ce qui concerne l’eucharistie, le point majeur de divergence porte sur la signification et le sens profond du repas du Seigneur, c’est-à-dire la Cène ou l’Eucharistie. En ce qui concerne l’Eucharistie, le problème consiste au mode de présence du Christ dans l’eucharistie, la messe comme sacrifice, le lien entre communion eucharistique et unité de l’Eglise.

4. Une autre différence est à relever : c’est le ministère de l’Eglise.

« La tendance dite catholique insiste avant tout sur la continuité visible de l’Eglise dans la succession apostolique de l’épiscopat, alors que la tendance dite protestante souligne essentiellement l’initiative de la Parole de Dieu et la réponse de la foi-initiative et réponse concentrée dans la doctrine de la justification Sola fide ».

5. La doctrine de la Justification

Parmi les points évoqués plus haut, il reste la délicate question de la Justification. Les réformateurs ont en effet considéré que l’Eglise catholique, en mettant l’accent sur les œuvres, relativisait le fait que seul Dieu rend homme juste et prétendait ainsi mettre la main sur le salut. Du cout la théologie de la controverse qui s’en est suivie a abouti à un durcissement des positions. La tradition protestante a insisté sur la corruption totale de la nature humaine, et affirmé que, par le péché originel, l’homme avait perdu toute capacité de faire des choses bonnes.

Il en découle que la justification est l’œuvre exclusive de Dieu et que l’homme ne peut y participer que par la foi. La position catholique insistait de son côté pour dire que l’homme n’était pas entièrement corrompu et que même affaiblie, la capacité de faire le bien n’était pas supprimée. La position catholique donne donc une place à la participation de l’homme à l’œuvre de la grâce.

Pour l’Eglise catholique, Jean Paul II affirmait lors de son intronisation le 05 novembre 1978 que son engagement dans le mouvement œcuménique est irréversible. On a pensé à un moment donné que le rapprochement entre confessions se ferait rapidement. Aujourd’hui, on assiste plutôt à un statu quo selon lequel la foi au Christ peut se vivre dans différentes confessions chrétiennes, dont l’unité peut ainsi être reportée au-delà du temps de l’histoire, et sans que cela fasse encore scandale vis-à-vis d’un monde désabusé ou indifférent.

4.Le défi des relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes

La déclaration Nostra aetate

La déclaration Nostra aetate est un bel exemple de ce que l’on peut appeler « l’événement conciliaire ». Rien ne pouvait laisser prévoir un tel texte sur les religions non chrétiennes. Par la suite, Jean XXIII a pensé à une déclaration concernant les juifs, mais le texte qui ne devait concerner que les juifs deviendra un texte sur l’ensemble des religions. Le 18 novembre 1964, le Cardinal Béa soulignera que c’est la première fois dans l’histoire de l’Eglise qu’un concile expose si solennellement des principes au sujet des religions non chrétiennes.

Pendant longtemps, l’Eglise catholique a considéré les autres religions comme erreur et fausseté, et voulait sauver les malheureux qui appartenaient à ces religions. Lorsque le concile se réunit en 1962, le génocide perpétré par les nazis est présent à toutes les mémoires et l’un des buts de la déclaration par Jean XXIII sera de supprimer ce qui subsiste d’antisémitisme chez les chrétiens. Néanmoins, dès la présentation dudit décret, les Pères ont montré une très grande hauteur de vue. Déjà, ils avaient affirmé dans Lumen Gentium n° 13 que « tous les hommes sont appelés à faire partie du peuple de Dieu » et, plus tard, dans le préambule de la déclaration Nostra aetate, le Concile souligne que « les peuples forment une seule communauté », autrement dit qu’il existe bien un destin commun des hommes qui, du point de vue de l foi, ont une seule origine et une seule fin.

Au § 2, Nostra aetate affirme que l’Eglise ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions non chrétiennes. C’est un profond changement de regard. Mais, du point de vue de la foi chrétienne, on ne peut admettre que toutes les religions se valent indifféremment, d’où le rappel en fin de paragraphe de la nécessité pour l’Eglise d’annoncer sans cesse le Christ, et l’exhortation faite aux catholiques d’un dialogue avec ceux qui suivent d’autres religions, mais tout en témoignant de la foi et de la vie chrétienne.

La déclaration parle d’abord des musulmans avant les juifs. Voici ce qu’elle dit :

« L’Eglise regarde avec estime les musulmans qui adorent le Dieu un ». Plus loin, la déclaration souligne l’attitude qu’exige le Dieu des musulmans par le terme soumission, parce que islam veut dire « soumission ».

Le Concile ne peut ignorer toutefois que les musulmans ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, mais ils le vénèrent comme prophète. De même, les musulmans ont une dévotion particulière envers Marie. « Ils honorent sa mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété ».

Un autre point essentiel de la foi musulmane porte sur la rétribution au jour du jugement ; ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités.

Au § 4, la déclaration parle des juifs :

« Scrutant le mystère de l’Eglise, le Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée d’Abraham ». L’Eglise du Christ reconnaît tout ce qui l’attache à Israël, et que c’est par lui qu’elle a « reçu la révélation de l’Ancien Testament ».

L’Epître de Paul aux Romains (chap. 9 à 11) rappelle que les chrétiens sont greffés sur la racine de l’olivier franc. L’Eglise reconnaît que le mystère divin du salut trouve son origine dans les patriarches et les prophètes, tandis qu’elle confesse que tous les fidèles du Christ sont fils d’Abraham, selon la foi. Du fait de cette parenté commune, spirituellement, nous sommes des sémites, comme le rappelait le Pape Pie XI en 1938 face à l’antisémitisme nazi. Enfin, le texte rappelle que Jésus, de même que sa mère, les apôtres et les premiers disciples, étaient juifs.

En conclusion, l’Eglise, dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes), ainsi que dans la déclaration sur la liberté religieuse, « réprouve, en tant que contraire à l’Esprit du Christ, toute discrimination ou persécution opérée envers les hommes en raison de leur race, de leur couleur, de leur classe ou de leur religion ».

La déclaration sur le dialogue interreligieux a fait couler beaucoup d’encre aussi bien du côté de ses contradicteurs que de ses défenseurs.

Il est impossible de passer en revue les relations de l’Eglise catholique avec chacune des religions, mais on peut souligner deux points caractéristiques de l’état actuel des dialogues :

D’une part, on ne cherche plus aujourd’hui à construire une théologie générale du dialogue interreligieux qui engloberait toutes les religions, mais on privilégie des dialogues bilatéraux qui respectent davantage la singularité de chacun des interlo-cuteurs.

D’autre part, l’Eglise invite les catholiques à multiplier les relations fraternelles en fonction des lieux et des circonstances particulières dans lesquels ils se trouvent.

6. Le défi des rapports avec la société

Alors que depuis le 19e siècle, l’Eglise prenait le monde moderne pour repoussoir, la constitution Gaudium et Spes témoigne d’un changement complet, et cela se ressent dans cette constitution qui est exceptionnelle à plus d’un titre. D’abord, sa longueur : c’est le plus long document du concile.

Le document Gaudium et Spes fut d’abord désigné comme schéma 17 puis comme schéma 13. Cette constitution est exceptionnelle par les problèmes abordés, qui sont ceux du monde moderne. C’est la constitution qui répond le plus au désir de Jean XXIII d’un concile pastoral qui ouvrirait l’Eglise au monde. En effet, dans son discours d’ouverture, il demandait que, sans se détourner de l’héritage reçu des anciens, l’Eglise se tourne vers les temps présents, qui entraînent de nouvelles situations, de nouvelles formes de vie et ouvrent de nouvelles voies à l’apostolat catholique.

« Il faut que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être respectée fidèlement, soit approfondie et présentée de la façon qui répond aux exigences de notre époque. En effet, autre le dépôt lui-même de la foi, c’est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérable doctrine, et autre est la forme sous laquelle ces vérités sont énoncées, en leur conservant toutefois le même sens et la même portée ».

Cette constitution comprend deux parties distinctes avec un avant-propos et un exposé préliminaires, mais l’ensemble constitue un tout. On l’appelle constitution pastorale parce que, s’appuyant sur des principes doctrinaux, elle entend exprimer les rapports de l’Eglise et du monde, de l’Eglise et des hommes d’aujourd’hui. Aussi, l’intention pastorale n’est pas absente de la première partie, ni l’intention doctrinale de la seconde. Dans la première partie, l’Eglise expose sa doctrine sur l’homme, sur le monde dans lequel l’homme est placé et sur sa manière d’être par rapport à eux. Dans la seconde, elle envisage plus précisément certains aspects de la vie et de la société contemporaine et en particulier les questions et les problèmes qui paraissent, à cet égard, revêtir aujourd’hui une spéciale urgence.

On doit donc interpréter cette constitution d’après les normes générales de l’interprétation théologique en tenant bien compte, surtout dans la deuxième partie, des circonstances mouvantes qui, par nature, sont inséparables des thèmes développés.

Mentionnons les questions qui à l’époque revêtaient une spéciale urgence, et qui ont gardé toute leur actualité aujourd’hui. Il s’agit des questions suivantes :

1. La dignité du mariage et de la famille

2. L’essor de la culture

3. La vie économico-sociale

4. La vie de la communauté politique

5. La sauvegarde de la paix et la construction de la communauté des nations.

En ce qui concerne la première partie, le Rôle de l’Eglise dans le monde de ce temps, est sans doute le plus révélateur et correspond au but même de la constitution. Il traite de l’Eglise en tant qu’elle est dans ce monde et qu’elle vit et agit avec lui, mais pour traiter ce thème, il a fallu que le Concile s’exprime auparavant sur la dignité de la personne, sur la communauté des hommes, sur le sens profond de l’activité humaine. Autant de thèmes qui constituent le fondement du rapport entre l’Eglise et le monde, et la base de leur dialogue mutuel. Ces trois thèmes font respectivement l’objet des trois premiers chapitres.

Revenons rapidement sur le chapitre 1er qui parle de la dignité de la personne humaine au § 22.4 :

« Devenu conforme à l’image du Fils, premier né d’une multitude de frères, le chrétien reçoit les prémices de l’Esprit qui le rendent capable d’accomplir la loi nouvelle de l’amour.

Certes, pour un chrétien, c’est une nécessité et un devoir de combattre le mal au prix de nombreuses tribulations et de subir la mort. Mais associé au mystère pascal, devenant conforme au Christ dans la mort, fortifié par l’espérance, il va au-devant de la résurrection ».

Le 2e chapitre parle de la communauté des personnes, la communauté humaine.

« Il faut rendre accessible à l’homme tout ce dont il a besoin pour mener une vie vraiment humaine, par exemple : nourriture, vêtements, habitat, droit de choisir son état de vie et de fonder une famille, droit à l’éducation, au travail, à la réputation, au respect, à une information convenable, droit d’agir selon la droite règle de la conscience, droit à la sauvegarde de la vie privée et à une juste liberté, y compris en matière religieuse » (§ 26).

Le 3e chapitre traite de l’activité humaine dans l’univers

« Si, par autonomie des réalités terrestres, on veut dire que les choses créées et les sociétés elles-mêmes ont leur lois et leurs valeurs propres, que l’homme doit peut à peu apprendre à connaître, à utiliser et à organiser, une telle exigence d’autonomie est pleinement légitime ».

« Mais si par autonomie du temporel, on veut dire que les choses créées ne dépendent pas de Dieu et que l’homme peut en disposer sans référence au Créateur, la fausseté de tels propos ne peut échapper à quiconque reconnaît Dieu ».

Le chapitre 4 est celui qui s’appesantit sur le rôle de l’Eglise dans le monde de ce temps. Voici ce que dit le § 44.2 :

« Comme elle possède une structure sociale visible, signe de son unité dans le Christ, l’Eglise peut aussi être enrichie, et elle l’est effectivement, par le déroulement de la vie sociale : non pas comme s’il manquait quelque chose dans la constitution que le Christ lui a donnée, mais pour l’approfondir, la mieux exprimer et l’accommoder d’une manière plus heureuse à notre époque. L’Eglise constate avec reconnaissance qu’elle reçoit une aide variée de la part d’hommes de tout rang et de toute condition… qui apportent une aide non négligeable à la communauté ecclésiale, pour autant que celle-ci dépend du monde extérieur ».

Ce chapitre insiste sur la référence au Christ :

« Qu’elle aide le monde ou qu’elle reçoive de lui, l’Eglise tend vers un but unique : que vienne le règne de Dieu et que s’établisse le salut du genre humain. D’ailleurs, tout le bien que le peuple de Dieu au temps de sa pérégrination terrestre peut procurer à la famille humaine découle de cette réalité que l’Eglise est le sacrement universel du salut, manifestant et actualisant tout à la fois le mystère de l’amour de Dieu pour les hommes. Car le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, s’est lui-même fait chair, afin que, homme parfait, il sauve tous les hommes et récapitule toutes choses en lui ».

On le voit, la préoccupation de Gaudium et Spes c’est sa solidarité avec le genre humain qui désinstalle l’Eglise d’une position de surplomb pour l’insérer dans les préoccupations du monde de ce temps, comme cela est rappelé au §1 de l’introduction de la constitution dogmatique, je cite :

« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur… ».

Relire Vatican II aujourd’hui, c’est entretenir cette dynamique et ce souffle, non pas en rabâchant des slogans, mais en mettant en œuvre ce style d’écoute de la Parole de Dieu et de présence au monde et à la société sur ce qui fait ses questions vitales.

6. Le défi de la liberté religieuse ou encore, le droit de la personne et des communautés à la liberté sociale et civile en matière religieuse

Le Concile est d’abord un événement, avec tout ce que cela comporte d’imprévus. En ce sens, la déclaration sur la liberté religieuse est elle aussi un bel exemple de l’événement conciliaire. C’est le Cardinal Béa, Responsable du Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, qui l’inscrira comme un dernier chapitre du projet de décret sur l’œcuménisme. Mais il apparaîtra vite que la question ne relève pas seulement de l’œcuménisme et qu’elle nécessite un texte à part.

Voici ce que dit à ce propos la déclaration universelle des droits de l’homme proclamée par l’assemblée générale des Nations Unies en 1948 :

« Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».

Ainsi débute cette Déclaration, dont l’article 18 stipule :

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites ».

La Déclaration comporte deux parties :

La première s’adresse à tout homme et utilise prioritairement le langage de la raison commun à tous, et montre que la liberté civile et sociale en matière religieuse est exigée par la dignité de l’homme.

La deuxième partie s’adresse plus particulièrement aux chrétiens et montre que cette doctrine de la liberté est réclamée par la nature de l’acte de foi et qu’elle est conforme à la doctrine de Jésus Christ.

Ainsi, le § 9 déclare :

« Ce que le Concile Vatican II déclare sur le droit de l’homme à la liberté religieuse a pour fondement la dignité de la personne, dont au cours des temps, l’expérience a manifesté toujours plus pleinement les exigences. Qui plus est, cette doctrine de la liberté a ses racines dans la révélation divine, ce qui pour les chrétiens, est un titre de plus à lui être saintement fidèle. Par la suite, la liberté religieuse dans la société est en plein accord avec la liberté de l’acte de foi chrétienne ».

Fondée sur la dignité de la personne, la liberté religieuse est un droit. Je cite :

« Le Concile Vatican II déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres… ».

Le Concile Vatican II déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. C’est l’affirmation la plus importante de toute la déclaration, et ce droit n’est pas un droit concédé par les pouvoirs en fonction des circonstances. Il est un droit fondamental et naturel de toute personne et par suite, ce droit à la liberté religieuse doit être reconnu, de telle manière qu’il constitue un droit civil. En tant que droit, il est indépendant des dispositions subjectives de la personne.

7. Le défi de la liturgie

Pour beaucoup, le Concile Vatican II se résume en un changement de la liturgie de l’Eglise latine. La participation à la liturgie apparaît dans de petits groupes fervents. La guerre va donner une impulsion décisive à cette tendance, car au front, comme dans les camps des prisonniers, la liturgie nécessite des ajustements. Cela se traduit notamment par ce que l’on appelait la messe dialoguée, où les lectures se font dans la langue des participants, qui répondent au prêtre, lequel prêche en latin.

Le 20 novembre 1947, le Pape Pie XII publie Mediator Dei, qui synthétise certaines propositions du mouvement liturgique et traite de questions liées à la participation des fidèles.

Dans les années qui précèdent le Concile, beaucoup de liturgistes organisent des congrès liturgiques internationaux pour promouvoir la participation active des fidèles. En 1956, se tint à Assise un congrès international de pastorale liturgique, dont un des thèmes sous-jacents était l’introduction de la langue vernaculaire dans toute la liturgie. A l’issue du congrès, Pie XII admonesta les participants en rappelant les motifs qui militaient pour le maintien du latin. L’autorisation d’employer la langue vernaculaire pour tous les sacrements, sauf l’eucharistie, semblait le maximum de ce que le Saint Siège pouvait concéder. Cependant, partout dans le monde, la question de la langue liturgique restait posée. La constitution Sacrosanctum concilium se décline en 7 chapitres que je vous encourage à lire.

Un des aspects importants de cette constitution est le rapport étroit établi entre pratique et doctrine : la réforme liturgique fut toujours reliée à son principe théologique, comme en témoigne le début du 1er chapitre (§ 5 à 13), qui mériterait une étude particulière. Retenons-en seulement à la suite de saint Augustin la présence affirmée du Christ à l’action liturgique de l’Eglise :

« Il est là présent dans les sacrements au point que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa Parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Eglise les Saintes Ecritures. Enfin, il est là présent lorsque l’Eglise prie et chante les psaumes ».

Les questions longuement débattues au cours de ce concile étaient les suivantes :

1. Liturgies en latin ou en langue vernaculaire ?

Certains, qui admettaient un usage de la langue vernaculaire au début de la messe, refusaient son emploi pour le canon de la messe, dans le souci de préserver le sens du mystère.

Dans le texte adopté, l’usage de la langue est mentionné avec les nuances appropriées dans les chapitres sur l’eucharistie (§54), sur les sacrements (§ 63), sur l’office divin (§ 101).

L’usage de la langue latine sera conservé dans les rites latins. Mais finalement, la langue vernaculaire sera admise dans les célébrations.

2. Le mystère de la Sainte Eucharistie

Il est dit aux § 50 et 56 :

« Le rituel de la messe sera révisé de telle sorte que se manifestent plus clairement le rôle propre ainsi que la connexion mutuelle de ses parties, et que soit facilitée la participation pieuse et active des fidèles ».

« Les deux parties qui constituent en quelque sorte la messe, c’est-à-dire la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique sont si étroitement unies entre elles qu’elles constituent un seul acte de culte… ».

Voici les points principaux de la restauration de la liturgie :

C’est tout d’abord la place donnée à l’Ecriture Sainte. « Ainsi, pour procurer la restauration, le progrès et l’adaptation de la liturgie, il faut promouvoir ce goût savoureux et vivant de la Sainte Ecriture. Cette place de la Parole de Dieu vaut tant pour l’office divin que pour tous les sacrements, en particulier l’Eucharistie. C’est ensuite l’insistance sur le caractère nécessairement communautaire de la liturgie, car c’est toute l’assemblée –Corps du Christ- qui célèbre la foi commune.

Enfin, la simplification des rites des sacrements pour faciliter la participation consciente, active, et fructueuse des fidèles :

« Les rites manifesteront une noble simplicité, seront transparents du fait de leur brièveté et éviteront les répétitions inutiles. Ils seront adaptés à la capacité des fidèles (la liturgie est faite pour les fidèles et non l’inverse, rappelait Paul VI) et, en général, il n’y aura pas besoin de nombreuses explications pour les comprendre ».

Ce qui est dit ci-dessous pour l’Eucharistie s’applique partout :

« C’est pourquoi en gardant fidèlement la substance des rites, on les simplifiera ; on omettra ce qui, au cours des âges, a été redoublé ou a été ajouté sans grande utilité ; on rétablira selon l’ancienne norme des saints Pères, certaines choses qui ont disparu sous les atteintes du temps, dans la mesure où cela apparaîtra opportun ou nécessaire ».

On peut conclure ce chapitre en laissant la parole au liturgiste bénédictin Patrick Prétôt :

« Une réforme liturgique met du temps pour passer dans la vie de l’Eglise : parce qu’elle touche des habitudes profondes, qui viennent de très loin : son rythme ne se mesure pas en nombre d’années, mais en nombre de générations. Nous n’avons pas encore exploré toutes les richesses des livres liturgiques issus du dernier Concile ; on peut souhaiter que non seulement les équipes liturgiques, mais tous les chrétiens, prennent le temps de travailler les livres liturgiques qui sont d’une grande richesse spirituelle et théologiques ».

*

* *

Chers participants à cette Conférence,

Voici les sept défis que nous venons de vous présenter :

1. Le défi de l’Eglise comprise comme mystère

2. Le défi d’une organisation pour la mission

3. Le défi de l’unité des chrétiens

4. Le défi des relations avec les religions non chrétiennes

5. Le défi des rapports avec la société

6. Le défi de la liberté religieuse

7. Le défi de la liturgie

Ils ont l’avantage de vous présenter de façon synthétique le document conciliaire que nous avons ciblé en particulier les quatre constitutions :

* La constitution dogmatique sur l’Eglise

* La constitution dogmatique sur la Révélation

* La constitution dogmatique sur la Liturgie

* La constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps.

Le Pape Benoît XVI a voulu commencer le cinquantenaire de cet événement qui a marqué le 20e siècle en promulguant un motu proprio intitulé L’Année de la Foi. Et voici ce que le Pape dit à ce sujet dans Porta Fidei :

« A la lumière de tout ceci, j’ai décidé de promulguer une Année de la Foi. Elle commencera le 11 octobre 2012 lors du cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II, et se terminera à la solennité de Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Univers le 24 novembre 2013 ».

Au n° 5, le Saint Père déclare :

« J’ai considéré que faire commencer l’Année de la Foi en coïncidence avec ce 50e anniversaire de l’ouverture de Concile Vatican II peut être une occasion propice pour comprendre que les textes laissés en héritage par les Pères Conciliaires, selon les paroles du Bienheureux Jean Paul II, « ne perdent rien de leur valeur ni de leur éclat. Il est nécessaire qu’ils soient lus de manière appropriée, qu’ils soient connus et assimilés comme des textes qualifiés et normatifs du Magistère à l’intérieur de la Tradition de l’Eglise… Je sens plus que jamais le devoir d’indiquer le Concile comme la plus grande grâce dont l’Eglise a bénéficié au 20e siècle : il nous offre une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence ».

Moi aussi, j’entends redire avec force tout ce que j’ai eu à dire à propos du Concile quelques mois après mon élection comme successeur de Pierre : si nous le lisons et le recevons, guidés par une juste herméneutique, il peut être et devenir toujours davantage une grande force pour le renouveau toujours nécessaire de l’Eglise ».

Merci de votre aimable attention.

 

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