27
Avr 2011
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Écrit par Administrator

Homélie de Pâques prononcée par  S. Exc. Mgr Victor TONYE BAKOT, Archevêque de Yaoundé à la Messe du jour de Pâques

 

 

 

Dimanche le 24 avril 2011

En la Cathédrale-Notre-Dame-des-Victoires de Yaoundé

Excellences Messieurs les Ministres,

Nosseigneurs les Chapelains,

Révérends Pères Recteurs,

Monsieur le Délégué du Gouvernement,

Chers confrères dans le sacerdoce,

Révérendes Sœurs,

Bien-aimés de Dieu,

Bonne fête !

Alléluia, Alléluia, Christ est vraiment ressuscité !

L’Eglise tout entière célèbre aujourd’hui, la solennité de Pâques. Dès les premières heures du matin, Pierre et Jean constatent que le tombeau est vide ; émerveillés, ils se souviennent alors de la parole que Jésus avait dite : « Il fallait que le Fils de l’Homme souffre, qu’il ressuscite avant d’entrer en gloire auprès du Père ».

 

Le témoignage de Pierre confirmera plus tard ce qui vient d’être dit : « Jésus de Nazareth, Dieu l’a consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa puissance, car Dieu était avec lui. Mais les Juifs l’ont fait mourir en le pendant au bois du supplice et voici que Dieu l’a ressuscité le 3e jour ».

 

Chers fidèles,

Jésus a vaincu la mort une fois pour toutes. Il est sorti du tombeau avec puissance, il ne mourra plus, Il règne à jamais.

La résurrection du Christ est un moment déterminant de l’histoire des hommes, le Fils de l’Homme est le seul à ressusciter comme cela se lit dans l’Evangile. Nous devons affirmer avec conviction que Jésus Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père !

 

Et, malgré la grandeur que lui confère sa condition divine, Jésus n’a pas considéré comme une aubaine d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est vidé lui-même, prenant la condition d’esclave; devenu semblable aux hommes, et, reconnu homme à son aspect il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé et lui a donné le nom qui surpasse tous les noms.

 

Pour se préparer à la commémoration de ce grand événement pascal, nous venons de vivre 40 jours de carême, 40 jours de pénitence pour partager la souffrance du Christ qui ploie sous le fardeau de nos péchés. Solidaires des autres chrétiens du monde  entier, nous avons, dans un esprit de foi, enfoui dans la passion du Christ, la souffrance, l’exclusion, la mort qui sont des expériences universelles. La foi chrétienne affirme que tout cela peut être traversé. Elle nous enseigne qu’en Jésus, Dieu est venu vers nous pour partager notre destin, y compris la mort, afin de vaincre le mal sur son propre terrain. C’est ainsi qu’à Pâques nous célébrons Jésus qui triomphe par sa Résurrection de la passion et de la mort, anéantissant par le fait même et de manière définitive, toute forme de souffrance et de mort.

 

Cela demeure une bonne nouvelle pour l’homme de tous les temps. Spécialement pour l’homme d’aujourd’hui qui baigne constamment dans les eaux de l’insécurité.

 

 

Frères et Sœurs,

Notre monde est dans la tourmente : des catastrophes naturelles, des guerres, des épidémies font de ce temps un siècle marqué par la violence. Il y avait urgence de se retourner vers le crucifié, pour découvrir combien au cœur de sa passion Jésus est une image d’espérance.

 

 

Certes, cette découverte de Jésus-espérance représente une véritable aventure. Les auteurs sont aujourd’hui nombreux pour explorer la personnalité de Jésus et analyser son message.

 

 

Tout au long de notre histoire, des historiens, des théologiens, des philosophes et même des artistes, ont contribué à faire mieux connaître Jésus et à se réapproprier sa « Bonne Nouvelle », proclamée en milieu juif et accueillie bien au-delà.

 

A titre personnel et pour la deuxième fois, dans son dernier ouvrage intitulé Jésus de Nazareth, le Pape Benoît XVI, théologien de son état, a pris sa plume pour nous livrer une méditation et une étude approfondie des événements majeurs de son existence après lesquels a jailli la foi chrétienne.

Le Pape a ouvert les récits de la passion, de la dernière cène et de la résurrection pour révéler la figure de Jésus, sa parole et son agir.

Ainsi, personne ne pourra être indifférent à un homme et à son message qui ont façonné notre humanité. Le Pape et les nombreux chercheurs de Dieu, témoignent de la force d’une rencontre avec Jésus, de son évangile qui oriente l’existence de ceux qui veulent se mettre à sa suite.

 

 

La fête de la Résurrection est donc une invitation que Jésus adresse à tout homme croyant ou non, pour qu’ensemble nous nous mettions à sa suite.

 

Célébrer la Résurrection, c’est magnifier la Vie. C’est dire notre ferme engagement de promouvoir, de protéger et de préserver la vie. C’est accueillir et jouir de la paix que nous laisse le Christ, même si cette paix que propose le Seigneur semble éprouver de la peine à trouver place dans le cœur  de l’homme d’aujourd’hui.

 

Chers fidèles,

En cette année des élections dans notre pays, la Passion et la Résurrection de Notre Seigneur sont une invitation que Jésus adresse à tous les fils et filles du Cameroun, en vue d’une réelle prise de conscience. « Nous devons prendre la ferme résolution de vivre ensemble comme des frères si nous ne voulons pas mourir ensemble comme des idiots », disait le Pasteur noir américain Martin Luther King, apôtre de la non-violence assassiné, en 1968, aux Etats Unis.

Ces derniers temps, les événements tristes fusent de toutes parts avec le séisme au Japon, la révolution au Maghreb, l’intervention militaire en Lybie, plus proche de nous, la tragédie de la Côte d’ivoire. Cette actualité est loin de laisser indifférent un peuple comme le nôtre qui se prépare à vivre une élection présidentielle. A longueur de journée, les médias véhiculent des scènes horribles et nul ne veut manquer un événement essentiel ou une image de choc. Ce flux d’informations est à consommer avec intelligence. Nous devons prendre du recul, car tout en témoignant notre sympathie à tous ces frères en difficultés, nous devons non pas envisager la guerre comme un effet de mode, mais être lucide et comprendre que rien ne se résoud par les armes. La guerre est et restera toujours un phénomène de destruction massive.

 

Deux mille ans après que Jésus ait sauvé l’humanité, il est absurde de constater que les humains s’enivrent de violence et n’hésitent pas à immoler la Paix du Christ sur l’autel d’une soi-disant démocratie.

 

L’Afrique, en général, doit envisager la politique au sens noble du terme. Aujourd’hui, au lieu de poser la question « à qui le tour ?», suite aux troubles en Afrique du Nord, il doit prévaloir à travers nos médias, des débats significatifs sur nos valeurs. A l’heure où il se joue des changements profonds à l’échelle de l’histoire, il serait sage que  la classe politique de notre pays en prenne l’exacte mesure.

 

 

Il est urgent qu’une orientation civique dans le but de construire s’installe sur la place publique, orientation qui mettra chaque fils et chaque fille du Cameroun en face de ses responsabilités sur le devenir de notre pays. Au lieu de s’adonner à huiler la machine de guerre qui n’épargnera personne finalement, posons-nous la question, chacun à son niveau, «Que voulons-nous faire ensemble ? », c'est-à-dire « Quel type de société voulons-nous bâtir ? En tant que communauté, quelles valeurs voulons-nous défendre? », « Quel Cameroun allons-nous laisser à notre postérité, nous jeunes et adultes d’aujourd’hui ? ».

 

Pour ce qui est des jugements moraux portés sur autrui, il est temps pour l’Africain de prendre son destin à bras le corps, de cesser d’accuser et d’abandonner son frère au jugement des « Ponce Pilate » des temps modernes qui dirigent la politique africaine de l’extérieur et pour qui notre existence d’Africains ne représente pas grand-chose.

 

Il est regrettable de constater que ceux qui imposent des modèles importés de démocratie dans notre continent se lavent les mains dès lors que le feu de la violence s’embrase. Mieux, on organise des charters pour le retour de tels ressortissants vers leur pays d’origine. Derrière eux, la terre peut brûler.

 

C’est ainsi qu’il en fut de Notre Seigneur Jésus ; celui qui pouvait prendre la décision de mettre fin à son calvaire s’en lava les mains.

Tel avait été le comportement de Ponce Pilate, Préfet d'une province romaine au moment de la crucifixion de Jésus, lorsque les juifs avaient conduit le Christ devant Ponce Pilate en le présentant comme un rebelle très dangereux. Ils visaient à obtenir de lui un jugement et une condamnation à mort. Après l'avoir interrogé, Pilate n’avait vu aucune raison de le condamner. Or, à cette époque, la coutume voulait qu'on libère un prisonnier à l'occasion de Pâques. Pilate avait alors pensé à Barabbas, un détenu qu'on lui avait présenté comme un meurtrier. Il avait eu l'idée de demander à la foule qui elle préférait libérer, pensant que celle-ci opterait pour Jésus plutôt que pour un criminel. Pourtant, le peuple choisira de libérer Barabbas, réclamant toujours la condamnation à mort de Jésus. Alors Pilate, voyant qu'il allait provoquer une émeute, avait choisi d’abandonner Jésus à la foule, s’était lavé les mains devant celle-ci et avait déclaré : "Je suis innocent du sang de ce juste, vous, vous y aviserez" ; ce qui signifiait que le sort du Christ lui était égal, et qu'il se dégageait de toute responsabilité.

 

Chers Frères,

A la veille de l’élection présidentielle, ouvrons grand les yeux et lisons à notre compte cet épisode de la Passion du Christ qui nous aidera à mieux appréhender les comportements de ceux qui arbitrent les crises sur notre continent. Il est urgent pour le Cameroun en cette année des élections, d’accompagner la jeunesse, en remettant au goût du jour la culture de la paix.

 

Selon la définition des Nations Unies, la culture de la paix est un ensemble de valeurs, attitudes, comportements et modes de vie qui rejettent la violence et préviennent les conflits, en s'attaquant à leurs racines par le dialogue et la négociation entre les individus, les groupes et les Etats. Dans le programme d’action élaboré à cet effet, il est prévu plusieurs rubriques, entre autres :

-Le renforcement d’une culture de la paix par l’éducation.

-La promotion du respect de tous les droits de l’homme.

La préoccupation pour la paix est inscrite dans l’histoire même de l’humanité et accompagne l’activité humaine depuis toujours: la paix, la joie, le bonheur, la vie en abondance, voilà ce que le Christ, mort et ressuscité, propose encore à l’homme d’aujourd’hui quel que soit sa race. Il s’agit d’une main tendue de Notre Seigneur qui ne demande qu’à être tenue par les hommes.

 

Ainsi accueillir le christ ressuscité reviendrait non seulement à dire non à la guerre mais surtout à dire notre ferme engagement de promouvoir, de protéger et de préserver la vie.

 

Nous devons faire attention, car ces dernières années, les rapports de chercheurs dans le domaine écologique présentent un monde en danger: la pollution, le réchauffement de la terre, les catastrophes de toutes sortes, sont la conséquence du mauvais traitement que l’homme inflige à la nature.

Les médias à travers le  monde produisent des articles ayant trait à l’écologie, à la protection de l’environnement et donc aussi à celle de la santé des populations.

 

Qu’il me soit donné d’affirmer ici, qu’un lien existe entre l’Evangile et l’écologie en m’appuyant sur les paroles de Saint Paul dans le chapitre 13 de sa lettre aux Corinthiens: « La charité ne fait pas de tort au prochain ». Or, dès qu’on pollue la terre, on fait du tort à son prochain, on tue la vie. L’Eglise se doit de s’engager dans ce grand combat pour la préservation de la vie qu’est l’écologie, car toute atteinte à l’environnement est une atteinte à la vie.

 

De plus en plus, il est observé une perturbation des saisons,  faits de la pollution et du réchauffement de la terre ; une véritable calamité lorsque nous savons que nos parents en zone rurale vivent essentiellement de l’agriculture. Il est évident que les saisons sèches prolongées ne sont pas à leur avantage et si dans les champs les cultures se meurent, sur nos marchés les vivres disparaîtront, la famine s’installera et mort d’homme s’en suivra.

 

Dès cet instant, le débat sur la protection de l’environnement quitte les cercles fermés de décideurs, pour devenir une responsabilité commune qui vise une prise de conscience élargie en vue d’une résolution planétaire du problème.

 

Notre société gagnerait à recevoir une éducation à la protection de l’environnement. A Yaoundé actuellement, un usage abusif du plastique dans l’emballage des aliments sur nos marchés inquiète les observateurs du domaine de la santé publique. Ce plastique, fait à base de résidus de pétrole, est par le fait même impropre à la consommation. Les aliments mis en contact direct avec ces plastiques d’origine douteuse exposent les consommateurs à de graves maladies. En laissant traîner des sachets et des bouteilles en plastique partout, nous devons tenir compte du fait que cette matière constitue un déchet polluant à long terme pour l’environnement car il ne se décompose pas aussi facilement.

 

Il devient urgent pour tous de faire attention à notre cadre de vie, chacun à non niveau. La protection de l’environnement a plus que jamais sa place dans les manuels scolaires, pour donner au Camerounais de demain une éducation qui lui permette de vivre en harmonie avec la terre qui le porte.  C’est un  combat solidaire que nous devons mener ensemble, si nous voulons continuer à vivre aisément sur cette terre que Dieu nous a gracieusement offerte.

 

 

Chers fidèles,

A l’occasion de la fête de la Résurrection de Notre Seigneur, la paix, et l’unité sont des souhaits de père que j’adresse à tous les croyants.

 

 

Merci au Recteur de la Cathédrale et à toute son équipe pour le merveilleux accueil qui nous est toujours réservé en ce lieu et pour lequel ils se donnent avec joie.

 

Merci aux médias pour l’écho que vous transportez au-delà de cette Cathédrale. Vous contribuez à votre manière à l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus. Merci à vous tous d’être venus si nombreux pour vivre en frères cette célébration.

 

Je ne peux conclure mon propos sans vous confier à Marie, Mère de Notre Seigneur Jésus ressuscité, car exemplaire fut son ‘‘fiat’’ au jour de l’Annonciation, exemplaire aussi son ‘‘Alléluia’’ au jour de la Résurrection.

 

Puissions-nous dire d’une même voix : « Regina cæli lætare alléluia, Reine du Ciel, réjouissez-vous, Alléluia, car celui que vous avez mérité de porter, Alléluia, est ressuscité comme il l’avait dit, Alléluia ! »

 

Bonne fête et que la paix du Christ règne dans les cœurs !

 

Loué soit Jésus Christ.