06
Avr 2015
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Homélie de Pâques 2015

Cette fête de Pâques vient au moment où tant de questions se posent suite à la guerre que mène notre pays contre la secte djihadiste.

Pourquoi peut-on attaquer un pays de paix et d’hospitalité et qui œuvre pour le développement de l’Afrique.

Texte de Son Excellence Mgr Jean MBARGA,

Archevêque métropolitain de Yaoundé

en la Cathédrale Notre-Dame-des-Victoires de Yaoundé le dimanche 05.04.2015

Chers fidèles du Christ ! Bonne fête !

Cette fête de Pâques vient au moment où tant de questions se posent suite à la guerre que mène notre pays contre la secte djihadiste.

Pourquoi peut-on attaquer un pays de paix et d’hospitalité et qui œuvre pour le développement de l’Afrique.

Pourquoi autant de cruauté, de haines, de persécutions et de violences ?

D’où viennent ces ennemis ?

Que pouvons-nous faire pour reconstruire notre pays ? Notre avenir ?

Ces questions bouleversantes, d’autres avant nous, confrontés à de telles agressions, se les sont posées. Il s’agit des disciples et des Apôtres de Jésus Christ ! Eux-aussi se sont demandé :

Pourquoi peut-on tuer leur Maître, le Christ, un homme qui a passé sa vie à faire du bien ? « Là où il passait, il faisait le bien », nous dit Saint Pierre dans la 1ère lecture (Ac 10, 38).

Pourquoi a-t-on persécuté celui qui prêche le règne de Dieu ? (Ac 10, 39).

Pourquoi a-t-on tué celui qui a guéri, ressuscité, relevé, sauvé l’homme en proie au Diable, à la maladie, la faim, la pauvreté ? (Ac 10, 38).

Qu’a-t-il donc fait ? « Ils m’ont haï sans raison » (Jn 15, 25). Les paroles de Marie Madeleine font écho de cette souffrance des disciples du Christ : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l’a mis » (Jn 20, 13).

Aux questions des Apôtres du Christ, des disciples, de tous ceux qui l’ont suivi, la Résurrection du Christ a apporté des réponses qui valent pour tous les temps. Les voici :

Dieu est Tout-Puissant, Il a ressuscité le Christ le troisième jour ! (Ac 10, 40).

Dieu est le Dieu de la victoire.

Face à la guerre, Dieu fait vaincre la paix ! (Jn 20, 19).

Face à la haine, Il rend victorieux  l’amour !

Face à la mort, Il fait triompher la Résurrection!

Face aux combats de la vie, le Christ est le chemin de la victoire !

Face à Satan, le Christ est vainqueur !

Face à la division, l’unité de Dieu est toujours victorieuse !

Face au Mal, Dieu fait vaincre le Bien.

Désormais « Tout homme qui croit au Christ Jésus, reçoit de lui le pardon de ses péchés », c’est-à-dire la plénitude de vie en Dieu ! (Ac 10, 43).

C’est ainsi que nous aussi nous pouvons comprendre notre contexte actuel. Notre lecture de la situation de notre pays à la lumière de la foi nous fait accueillir cette fête de Pâques comme notre propre Résurrection.

En effet, en fêtant la Résurrection du Christ, nous fêtons le retour à la vie ! Nous étions exposés à la mort, la mort s’est faite menaçante ! La mort a sévi. Grâce à la puissance de Dieu, à la victoire de la vie sur la mort, à la victoire du Bien sur le Mal, nous vivons, nous avons combattu le bon combat ! Nous avons survécu face à l’ennemi.

Fêtons cette Résurrection, nouveau printemps de nos vies, de notre patrie, qui vient mettre fin à un hiver froid, fait d’horreurs inédits, de meurtres, de pillages, fait de souffrances des peuples en errance, réfugiés, déplacés, affamés et déstabilisés.

Fêtons cette Résurrection qui nous fait redécouvrir les valeurs de la vie, la préciosité de la paix, la grandeur du vivre ensemble et la nécessité de poursuivre sincèrement notre développement :

« Vous êtes ressuscités avec le Christ » Col 3, 1 (2ème lecture).

La fête de Pâques de cette année est donc particulière. Elle nous impose une prise de conscience de notre destin commun, des dangers qui peuvent l’ébranler et des forces de vie qui peuvent en assurer la pérennité.

Par cette fête, le Christ vient nous redonner le goût de la victoire, la passion de vaincre les forces du mal !

Il vient éteindre nos peurs multiples et construire en nous, des convictions, des volontés d’engagements, des agirs qui défendent l’espérance, combattent les paralysies.

Le Christ Ressuscité dit : « N’ayez pas peur » (Mt 28, 10), car la vie sera toujours victorieuse. Car vos combats seront toujours victorieux, par la victoire de l’Esprit Saint.

Cette grande espérance que porte cette fête de la Pâques à nos familles, à nos communautés, à notre pays, est une semence florissante qu’il faut élever, soigner et mener à croissance.

Elle nous fait débusquer le Mal, le traquer, l’anéantir. Ce Mal n’est pas une réalité en soi, il vient du cœur de l’homme, de l’homme perverti.

La Résurrection du Christ, comme retour à la vie est appel à la conversion, à la révision de vie et à l’engagement à faire triompher le Bien dans toutes ses dimensions, dans nos cœurs, nos familles et nos organisations (cf. Col 3, 1-4).

Une question forte se pose à tous, à savoir : « Comment préserver, protéger et promouvoir la vie, la paix, le Bien chez nous ! ».

 

* Au niveau individuel,

Les valeurs de paix, de vie et de bien, sont menacées par nos égoïsmes. L’on ne peut être heureux tout seul ! Lorsque l’individu s’approprie tout, s’isole, se sert et se ferme sur lui-même, il devient un danger permanent pour tous ! L’équilibre de chaque individu vient de son ouverture et de ses services à la communauté.

Le Christ avant de quitter ce monde recommande vivement l’amour fraternel, non pas pour valoriser un sentiment, mais pour instituer une règle essentielle à la vie commune des hommes (cf. Jn 15, 12).

La négation de l’autre, l’individualisme, le rejet de la différence, la stigmatisation de l’autre sont autant de comportements hostiles à la vie sociale.

Comme le Christ Jésus, qui est mort et ressuscité par amour pour les hommes, ouvrons nos vies aux autres et combattons en nous, les haines, l’aggression, la violence, le meurtre.

* Au niveau social,

Nous avons aujourd’hui, une claire vision sur le projet social, sur le contrat qui nous unit tous : à savoir bâtir le règne de Dieu, règne de paix, d’amour et de bien pour tous. La Résurrection du Christ que nous actualisons nous rappelle que, par sa mort sur la Croix, par son sang versé, le Christ a recrée le règne de Dieu !

Pour nous, promouvoir la paix, la vie, l’amour et le bien en société signifie clairement assumer dans la foi au Christ les devoirs citoyens, les règles de vie commune, la discipline sociale, les devoirs d’Etat, le service et l’amour de la nation. Le Christ dans son Evangile défend la communion entre les hommes et nous envoie la faire régner : c’est pour créer un monde d’amour que Jésus est mort et ressuscité (Jn 15, 9-14) ; « Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15, 14).

Lorsque des comportements réfractaires se multiplient, les délinquances augmentent, l’indiscipline sociale s’installe. Il se crée une société confuse.

Cette confusion, conséquence d’une multiplicité d’ordres individuels, crée le désordre ! Lorsque dans un pays la règle connue n’est plus reconnue et respectée par tous, la légalité bafouée par certains, les dysfonctionnements naissent. Protégeons notre pays du désordre, nos familles de la division, nos jeunes de la délinquance…

Prenons un exemple quotidien ! Le code de la route, lorsqu’il n’est plus reconnu et respecté, les accidents se multiplient et portent atteinte à la sécurité des personnes et de biens.

Ø La légalité citoyenne est le ciment qui unit la société ; les passe-droits, les privilèges, les hors-la-loi, tout cela met en difficulté la cohésion sociale et la foi commune au projet de construction nationale.

Ø La réduction de la pauvreté freine la croissance des gens sans espoir, des laissés-pour-compte et évite la cassure sociale et les sentiments d’exclusion.

Ø Souvent, ce sont ces malaises qui font croire aux extrémistes de tous bords que la solution est dans le radicalisme et la violence.

Le Christ Ressuscité a vaincu la mort pour que l’humanité sortie des mains de Dieu trouve à nouveau la plénitude de la vie, éprouvée par les forces des ténèbres.

Les chrétiens et les hommes de bonne volonté ont, au-delà des signes multiples, la mission de prolonger et perpétuer cette vie acquise et conquise par le Christ pour l’humanité. (cf. Lc 16, 15-18).

Le Livre des Actes des Apôtres, qui est l’Evangile post pascal, est une belle voie à suivre pour tous ceux qui ont un projet d’intérêt commun à bâtir.

* Au niveau des religions,

Qu’est-ce que la religion ?

C’est celle qui aime l’homme, lui donne la vie, le salut et la paix, au nom de Dieu.

C’est aussi celle qui défend la primauté du salut de l’homme. « Aimer Dieu et aimer le prochain », voilà la règle d’or. Le Christianisme, l’Islam, les religions orientales, les religions africaines tiennent par-dessus tout ‘‘ l’amour de Dieu et du prochain’’. Les vrais martyrs de ces religions sont ceux qui donnent leurs vies par amour pour les hommes et non par haine pour les autres.

 

Au temps de Jésus, au début de notre ère, comme au temps des Apôtres, certains hérétiques religieux ont pu sombrer dans l’extrémisme et le fanatisme religieux, en niant les valeurs religieuses pour faire régner leurs idées radicalistes.

C’est l’extrémisme qui a tué Jésus ! (cf. 26, 1-5). Tout mouvement extrémiste est anti-religieux ; il offense Dieu, il offense l’homme. Les hérésies sont anti religieuses.

En cette heure, où se multiplient ces extrémismes à large échelle, il est important pour nous, comme le fit le Christ, de les combattre. Face aux radicalistes de son temps, pharisiens, sadducéens, les zélotes et autres, Jésus s’est fait le prophète de la volonté de Dieu en propageant l’Evangile de l’Amour. La prolifération des « sectes » n’est pas un fait banal. En multipliant la segmentation du fait religieux, elle opère du coup la fragmentation de la société ; familles brisées, mariages rompus, choc des cultures, racines culturelles détruites ; les sectes déstabilisent notre société.

Il importe donc que les religions historiques qui ont conduit les peuples vers la civilisation, la nation, le développement et le vivre ensemble œuvrent plus que jamais à la construction de la civilisation de la vie, de la paix et de l’Amour, qui sont les fondements des valeurs religieuses reconnues. Dans notre pays, à cause des hostilités vécues, les religions historiques se sentent interpellées par cette mission urgente de donner à leurs membres des formations solides et régulières qui les préservent des fausses doctrines, des hérésies et fortifient leur foi aux valeurs religieuses pérennes.

En outre, entre les religions, il faut plus que la tolérance ; il faut faire régner la paix. Tout exclusivisme menace la paix et l’amitié entre les hommes. Même lorsque les différences existent, bien souvent liées à la diversité des parcours, le respect de la personne humaine doit rester sacré, tout comme l’inviolabilité de sa vie, et son amitié avec l’autre.

Chers fidèles de Dieu et du Christ !

Voici notre Pâques synodale ! A cette première étape du Synode Diocésain, rappelons à tous que l’Archidiocèse de Yaoundé vit le Synode.

Un Synode qui libère le partage de la parole.

Un Synode qui libère la créativité.

Un Synode qui s’approprie à nouveaux frais l’élan missionnaire.

Un Synode qui appelle des actions concrètes.

Un Synode qui veut dépasser le passé.

Un Synode de la responsabilité.

Oui ! Un Synode qui veut enrichir le Cameroun de la tradition humanisante de la catholicité ecclésiale et qui va doter notre Archidiocèse d’une vision pastorale pour le futur.

La Pâques de notre Eglise en Synode, c’est la résurrection dans notre Eglise.

Vivons le Synode et participons à son rayonnement.

Cette fête de Pâques, donnons lui, une mission de renaissance sociale et ecclésiale. Accueillons ces grâces du retour à la vie ; comme le Christ qui est sorti vivant du tombeau de la mort, sortons nous aussi de nos égoïsmes, de nos illégalités sociales, de nos fanatismes religieux pour récréer la civilisation de la paix, de l’Amour et de la vie.

Amen !