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Je suis particulièrement heureux de me retrouver avec vous aujourd’hui, vous les responsables de la Vie Consacrée au Cameroun dans le cadre de votre assemblée plénière...  Une assemblée de frères et de sœurs autour d’un même Père, Dieu. En effet, nous dit Saint Matthieu dans l’évangile de ce jour : « Vous êtes tous des frères et des sœurs et vous avez un seul Père et un seul Maître. » Nous sommes donc réunis en cette assemblée de Supérieurs Majeurs en tant que frères et sœurs d’une même famille, l’Eglise famille de Dieu.

C’est une joie pour moi de constater que vous prenez à cœur d’entretenir cette flamme ardente qu’est la Vie Consacrée dans notre Eglise particulière d’Afrique. Je vous y encourage.

Lors de son voyage à Yaoundé et qui était le premier en terre Africaine, le Cardinal RODE, alors Préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée, a reconnu que l’Afrique était quelque peu lésée. Ayant pris conscience du fait,  il a décidé d’y remédier. Il a déclaré : « l’Afrique a été laissée un peu de côté. Je pense qu’on ne peut pas justifier le fait de laisser en marge cette part si importante de l’Eglise que représente la vie religieuse en Afrique. Le nombre des vocations et la qualité du travail accompli par les religieux et les religieuses en Afrique méritent sûrement une attention spéciale, un soin affectueux de la part de l’Eglise. »

Cette prise de conscience d’un haut dignitaire de l’Eglise en charge de la Vie Consacrée ne peut que nous encourager à continuer de mieux réfléchir sur le devenir de la Vie Consacrée sur le continent Africain en général et au Cameroun en particulier.

Je vous remercie donc infiniment parce que, vous me donnez aujourd’hui l’opportunité de mieux arrimer ma vision de la Vie Consacrée, à l’esprit d’Africae Munus du Pape Benoît XVI et dont les numéros 117, 118, 119 et 120 abordent avec optimisme la vie des personnes consacrées en Afrique.

Au numéro 120, il est dit : « Les rencontres des différentes Conférences Nationales des Supérieurs Majeurs et celles de la COSMAM permettent d’unir les réflexions et les forces non seulement pour assurer les finalités de chacun des Instituts, en préservant toujours leur autonomie, leur caractère et leur esprit propre, mais aussi pour traiter des affaires communes dans un souci de fraternité et de solidarité. Il est bon de cultiver un esprit ecclésial en assurant une saine coordination et une juste coopération avec les Conférences des Evêques. »

Une exhortation post-synodale comme celle que le Saint Père a promulguée en terre africaine en novembre 2011, marque toujours un temps fort dans la vie de l’Eglise.

Le contenu d’Africae Munus, puisqu’il s’agit de lui, montre la sollicitude que l’Eglise a pour l’Afrique. Manifestement, le Saint-Père a voulu y condenser les 57 propositions de la deuxième assemblée synodale des Evêques pour l’Afrique tenue à Rome en 2009.

A travers son exhortation, le Saint Père affiche son souci de donner aux travaux du 2è synode africain, une cohérence et une orientation forte.

Revenons à notre assemblée : faut-il le rappeler, notre préoccupation du moment porte sur l’épineuse question de la qualité de la relation que la personne consacrée africaine devrait entretenir avec sa famille naturelle dans notre contexte africain de pauvreté.

 

Il est toujours risqué de proposer une solution exacte à un problème social à partir d’un seul point de vue, même si certaines clés à un moment donné sont plus aptes à ouvrir les portes que d’autres. Heureusement aujourd’hui nous formons une équipe forte des Supérieurs Majeurs du Cameroun pour trouver une réponse.

 

Avant tout, il est important de relever qu’Africae Munus confirme et encourage la Vie Consacrée et son importance pour l’Eglise, quelque soit le contexte où elle est déployée. Et ce n’est pas une église locale comme la nôtre où les bienfaits de la Vie Consacrée se comptent et se chiffrent en grand nombre qui dira le contraire !

 

La Vie Consacrée présente  certes bien des visages, mais vous le savez mieux que quiconque : ce qui caractérise la Vie Consacrée, ce ne sont pas les conseils évangéliques en eux-mêmes, mais la manière de les vivre et le fait de s’y engager publiquement. Les consacrés que vous êtes, toutes nationalités confondues, vous suivez le Christ dans l’Evangile, cherchant à vivre les Béatitudes, à travers les trois conseils évangéliques :

- Pauvreté : se recevoir de Dieu seul en restant libre de tout bien.

- Chasteté : vivre chaque relation dans sa vérité humaine et spirituelle pour aimer dans un profond respect de l’autre.

- Obéissance : en toute chose, ne rechercher à faire que la volonté du Père.

 

La Vie Consacrée témoigne  d’un partenariat Nord-Sud authentique, véritablement vécu et historiquement construit. Si l’on compare la Vie Consacrée missionnaire à un arbre, on verrait bien que l’Occident constituerait les racines et le tronc, tandis que l’Afrique constituerait en quelque sorte les branches et le feuillage. Notons toutefois que la Vie Consacrée comme telle est née en Afrique du Nord, avant de se développer partout ailleurs.

 

Dès le 20è siècle, de façon rapide, la V ie Consacrée s’est enracinée partout sur le continent Africain. Les Pères du Synode pour l’Afrique ont constaté qu’aujourd’hui, un peu partout dans les églises, les vocations religieuses sont en très forte croissance, ceci au moment où l’Eglise d’Occident, enregistre une diminution considérable des vocations religieuses et sacerdotales. L’Afrique se présente alors comme une terre d’espoir pour la survie de nombreuses congrégations.

 

Même si les congrégations autochtones, surtout féminines voient de plus en plus le jour en Afrique, les congrégations internationales où se vit un brassage de cultures et de mentalités sont encore visibles. Heureusement, car la diversité est une richesse véritable. La préoccupation essentielle de l’heure est de trouver le juste équilibre dans le partenariat Nord-Sud qu’incarnent ces congrégations internationales.

En Afrique aujourd’hui, la pauvreté oriente la pensée sociétale, tandis qu’en Occident, la sécularisation semble être devenue un mot-clé pour penser la société et même l’Eglise. Comment donc ajuster les divergences de mentalités une fois retrouvées dans un Institut de Vie Consacrée ?

La conjoncture économique qui semble avoir définitivement fait son lit chez nous, crée au passage une vaste étendue de misère. Il devient par le fait même difficile pour les consacrés africains de concilier :

-     Pauvreté choisie et dépendance dans l’acquisition et l’usage des biens,

-     Pauvreté religieuse et devoir de solidarité familiale,

-     Renoncement évangélique aux siens et souci du bien-être de la famille.

Pour ma part, sans prétention de proposer une réponse précise, je dis : que ces préoccupations ne vous troublent pas, car la Vie Consacrée est avant tout un don de Dieu au monde. Et le Christ est le seul capitaine à bord de son somptueux bateau qu’est l’Eglise ; il sait comment la conduire !

 

A trop se focaliser sur ces questions de biens matériels et temporels présente un inconvénient, car au vu de la pauvreté ambiante, nombreux s’en viennent à douter de l’authenticité de l’appel du Seigneur adressé à leurs confrères ou consœurs Africains et perçoivent plutôt en cet appel, une vocation calculée, conséquence de la pauvreté économique des familles.

 

Cependant, loin de méconnaître la réalité des écarts de comportement qu’affichent un certain nombre de religieux dans ce domaine précis de la pauvreté économique, je vous exhorte à rester proche des Constitutions et règlements intérieurs propres à chaque Institut. Tout en ne perdant pas de vue le devoir de charité envers le frère. Par ailleurs, je ne peux qu’encourager l’effort constant des instances compétentes telles que les différentes Conférences Nationales des Supérieurs Majeurs et la COSMAM, qui de manière approfondie, abordent la question avec sérénité et confiance.

La tentation des consacrés sera toujours à raison, de vouloir être loin du monde, ou sous prétexte d’être à Dieu, de ne plus être dans la réalité du don quotidien. Soyez-en sûrs, la présence des familles africaines pauvres mais chrétiennes, est un rappel constant que le don total de soi se vit dans la réalité d’une vie quotidienne.

Nous ne pouvons pas nous voiler les yeux car, la situation précaire et oppressante de l’Afrique sur le plan économique se fait menaçante, au point de faire peur.

La Vie Consacrée est une chance pour l’Afrique : alors, attention à ne pas nous éloigner de l’essentiel à savoir : une vie entièrement consacrée à Dieu pour le service des frères, ou à naviguer à contre courant d’un monde sans espoir qui nous réclame bien plus. Il faut avoir le courage d’affronter les situations réelles et même tragiques qui se présentent à vous aujourd’hui.

 

Je reste convaincu d’une chose, à savoir que la Vie Consacrée est un sel pour le monde en général et pour l’Afrique en particulier.

 

Cela dit, il me paraît alors important d’intégrer dans vos cercles de réflexion des questions suivantes :

-     Comment partager et vivre la solidarité avec les confrères issus de familles pauvres tout en préservant les biens de l’Institut et en garantissant son avenir ?

-     Comment faciliter l’accès de vos biens aux pauvres tout en travaillant pour l’autoprise en charge des Instituts ?

-     Comment déceler en la pauvreté la dignité et la richesse d’être ?

Voilà à mon humble avis, des questions sur lesquelles ensemble nous devons nous pencher pour que vive et prospère en terre africaine la Vie Consacrée.

 

Merci une fois de plus de m’avoir invité, je ressors toujours heureux de ce réconfort mutuel que nous nous apportons.

 

Que le Seigneur qui nous appelle tous à sa suite, soit lui-même notre réconfort.

Bonnes et fructueuses assises.