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Le thème de « la vie matérielle du prêtre », des paroisses et des diocèses, n’a cessé de préoccuper l’Eglise qui est au Cameroun. Il a retenu l’attention de la Conférence Episcopale Nationale pendant plusieurs années. Cela est dû au fait que la vie matérielle du prêtre conditionne son épanouissement de pasteur dans l’exercice de son ministère.

 

En effet, quand le prêtre n’est pas sûr de son repas, quand les recettes de sa paroisse ne lui permettent pas de payer régulièrement son assistante technique, quand il regarde, impuissant, son père ou sa mère malade, ou un misérable en quête du strict minimum, il lui est difficile de se sentir à l’aise et de s’adonner avec joie et conviction à sa mission de témoin de la Bonne Nouvelle.

Face à des enjeux aussi graves et aussi actuels, les diocèses devraient organiser les états généraux de l’autofinancement. Ce n’est qu’en réfléchissant ensemble pour chercher des voies et moyens qu’il est possible de mettre sur pied une stratégie convaincante et fructueuse.

De nos jours, les paroisses et les diocèses ne peuvent plus se contenter des collectes. Les chrétiens eux-mêmes ne s’en sortent plus comme autrefois. Le changement du cours de la vie a surpris beaucoup de personnes. Les diocèses ont cependant des atouts qu’ils doivent exploiter. Beaucoup de nos diocèses sont économiquement très riches. Il s’agit de parvenir à transformer leur richesse économique en richesse financière.

Dans cette perspective, il est nécessaire que l’Eglise qui est au Cameroun s’investisse avec un esprit professionnel dans certains domaines tels que l’agriculture (cacao, palmier à huile), l’élevage (bœuf, porc, poulet), l’immobilier, la menuiserie, la confection des ornements liturgiques et la fabrication des bougies et des hosties.

Le moment ne serait-il pas venu d’allier l’économie de collecte qui est pratiquées dans nos diocèses, à l’économie de marché, à travers de petites activités génératrices de revenus ?

En effet, nous ne pouvons plus nous contenter de la simple collecte des fonds (deniers du culte, quêtes diverses, casuels des sacrements, honoraires de messes et dons divers), car nos besoins nous imposent une économie de la prospection dénommée économie de marché.

C’est pour nous le moyen le plus indiqué de transformer nos économies diocésaines basées sur des subventions et aides extérieures à une économie tendant à l’autosuffisance pour soutenir les besoins de la mission. Ecoutons le Pape Jean Paul II :

« Il est urgent que les Eglises particulières d’Afrique se fixent pour objectif d’arriver au plus tôt à subvenir elles-mêmes à leurs besoins et assurer leur autosuffisance. Par conséquent, j’invite instamment les conférences épiscopales, les diocèses et toutes les communautés chrétiennes des Eglises du continent, chacun en ce qui le concerne, à faire diligence pour que cette autosuffisance devienne de plus en plus effective. » (EIA, 104)

 

Lorsque Dieu a créé l’homme, masculin et féminin, il l’a béni en disant : « Soyez féconds, multiplier, emplissez la terre et soumettez-la ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre. » (Gn 1, 28) « Soumettre » la terre consiste à la travailler en la mettant en valeur.

 

Nous pouvons continuer à compter sur la générosité des Eglises-sœurs d’Europe, des Etats-Unis d’Amérique, du Canada et d’ailleurs qui ne se lasseront pas de faire le bien (cf. 2 Th 3, 13), mais nous avons l’obligation de nous prendre en charge au risque de paraître comme des gens qui « mènent une vie désordonnée, ne travaillant pas du tout. » (2 Th 3, 11)

 

La solution au problème de l’autofinancement et à celui de son corollaire, la vie matérielle des prêtres au Cameroun, pourrait renforcer la fraternité entre les diocèses, bannir même certaines frustrations, parfois relevées, entre prêtre de ville et prêtre de campagne. A condition qu’on songe à nous inspirer des belles expériences des Eglises-sœurs, comme l’Eglise Catholique d’Italie, qui a une centrale nationale, avec des relais diocésains, pour le traitement équitable des prêtres d’après des analyses scientifiques et objectives.

 

Le défit de l’autofinancement rappelait aux laïcs leur devoir de soutenir l’Eglise par des moyens adéquats, appropriés et suffisants.

 

Les fidèles doivent aussi briller par le témoignage de leur vie ; ils ont à participer à la mission d’évangélisation et de sanctification des hommes confiés à l’Eglise (Décret sur l’apostolat des laïcs, n°6). Mais, ni le soin de leur famille, ni les affaires du monde, ne doivent être étrangers à leur spiritualité, car une telle vie exige un continuel exercice de la foi, de l’espérance et de la charité. Voilà qui nous fait entrer dans le dernier défi : la promotion du laïcat.

 

LE DEFI DE LA PROMOTION DU LAICAT

Les laïcs ont un rôle fondamental partout où l’Eglise garde son identité de servante et sa mission de promotrice du Royaume des cieux. De ce rôle fondamental des laïcs, le Concile Vatican II dit :

« L’Eglise n’est pas fondée vraiment, elle ne vit pas pleinement, elle n’est pas le signe parfait du Christ parmi les hommes si un laïcat authentique n’existe pas et ne travaille pas avec la hiérarchie. L’Evangile ne peut s’enfoncer profondément dans les esprits, dans la vie, dans le travail d’un peuple, sans la présence active des laïcs.

Par conséquent, faut-il dans la fondation d’une église déjà, apporter une très grande attention à constituer un laïcat chrétien qui atteigne sa maturité. » (Ad Gentes, 21)

 

Cela invite à prendre à cœur la formation à la foi chrétienne des fidèles laïcs. Ils sont, eux aussi, associés à la mission de l’Eglise :

« Il y a dans l’Eglise diversité de  ministères, mais unité de mission. Le Christ a confié aux apôtres et à leurs successeurs la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner en son nom et par son pouvoir. Mais les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument, dans l’Eglise et dans le monde, leur part dans ce qui est la mission du peuple de Dieu tout entier. Ils exercent concrètement leur apostolat en se dépensant à l’évangélisation et à la sanctification des hommes ; il en est de même quand ils s’efforcent de pénétrer l’ordre temporel d’esprit évangélique et travaillent à son progrès de telle manière que, en ce domaine, leur action rende clairement témoignage au Christ et serve au salut des hommes.

Le propre de l’état des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires profanes, ils sont appelés par Dieu à exercer leur apostolat dans le monde à la manière d’un ferment, grâce à la vigueur de leur esprit chrétien. » (Apostolicam actuasitatem, 2)

Le problème est la formation à l’esprit chrétien. Les expériences des « écoles théologiques » pour laïcs ou des Instituts des Sciences Religieuses sont à encourager.

 

De même, il est urgent de promouvoir la formation des catéchistes, pensant aussi à rajeunir cette classe même dans les villages. Pour y parvenir, on devra accorder beaucoup plus d’attention à la jeunesse. Pourquoi ne penserait-on pas à un conseil paroissial pour jeunes ? Un conseil pastoral diocésain pour la jeunesse serait-il une abomination ? Le lieu approprié pour débattre de ces sujets serait probablement un synode diocésain, provincial ou national pour les jeunes. Ainsi, on préparera les jeunes à assumer leurs responsabilités dans l’Eglise dès maintenant.

 

CONCLUSION

Nous pourrions prolonger indéfiniment la liste des défis. Mais nous avons chois de nous limiter, en omettant à dessein des situations brûlantes, qui nous interpellent aussi : la pauvreté et le chômage galopants, les tensions raciales, tribales et familiales, qui éloignent la perspective d’une réconciliation et d’une paix durable ; l’instabilité politique, la violation permanente des droits de l’homme, l’invasion des médias, armes à double tranchant ; la possibilité pour l’Eglise d faire en sorte que « la santé pour tous », « l’école pour tous », « l’habitat décent pour tous », « la nourriture et le vêtement pour tous », « l’ai pur pour tous », ne soient plus des slogans vides de sens mais de nobles objectifs poursuivis avec détermination.

 

Si dans les pages précédentes, nous avons donné au lecteur l’impression que les défis lancés à l’Eglise d’Afrique sont tous des défis internes, il convient de compléter ses vues en reprenant ce que le Pape Jean Paul II disait aux chrétiens des jeunes églises pour leur rappeler leurs responsabilités.

« C’est vous qui êtes, aujourd’hui, l’espérance de notre Eglise, qui a deux mille ans : étant jeunes dans la foi, vous devez être comme les premiers chrétiens et rayonner l’enthousiasme et le courage, en vous donnant généreusement à Dieu et au prochain ; en un mot, vous devez vous mettre sur la voie de la sainteté. Ce n’est qu’ainsi que vous pouvez être des signes de Dieu dans le monde, et revivre dans vos pays l’épopée missionnaire de l’Eglise primitive. Vous serez aussi des ferments d’esprit missionnaire pour les Eglises plus anciennes. » (EIA, 136)

 

C’est dire que nous, chrétiens des jeunes Eglises, avons non seulement à évoluer vers l’excellence et la sainteté, mais aussi un rôle important à jouer auprès de nos frères et sœurs de vieille chrétienne. C’est un rôle missionnaire.

 

Qu’il s’agisse de défis internes ou externes, nous sommes d’accord avec les Pères du Synode que seul le Christ Seigneur, « par son Evangile et par son Eglise, peut sauver l’Afrique de ses difficultés actuelles et la guérir de ses nombreux maux. » (cf. EIA, 10) Il est urgent que nous en prenions conscience, que nous approfondissions notre connaissance du Christ et que nous nous attachions à sa personne vivante. « Christ, notre espérance, est vivant, nous vivrons » (EIA, 57) Si nous acceptons de nous engager aux côtés du Christ, – et il faut absolument que nous nous engagions – l’Afrique ne mourra pas, elle vivra.

 

Je vous remercie pour votre attention.