Imprimer
Écrit par Administrator

Mercredi, le 13 mai 2015

Ce colloque qui vient immédiatement après celui qui vient de se tenir dans cette même salle n’aura pas bénéficié d’un temps suffisant de préparation à mon niveau.

Cependant, puisqu’il s’agit de la famille, il est normal que nous ayons en actualité nos convictions. Ce sont elles que j’aimerais bien partager en ce moment.

Nous sommes à la veille du prochain Synode des Evêques à Rome dont le thème porte sur la famille. Ce synode est le 2e du genre après celui d’octobre dernier. Sur fond de cette préoccupation, une relecture des parcours variés est nécessaire ; car la question de la famille, de sa vocation et de sa mission offre une constellation d’approches qu’il convient, même avec le souci d’une communion totale, de sérier pour voir clair.

Mon propre parcours récent me fait donc dire ceci :

* Fils d’une famille, on vit dans la famille.

Elle est loin d’être une réalité spéculative ; elle pose au quotidien la nécessité des relations parentales multiples, avec les codes culturels.

Chacun d’entre nous assure la parenté à des niveaux divers, d’enfant, de frère, d’où les axes suivants : conjugalité, paternité-maternité, filialité, fraternité et tribalité, plus loin ethnicité et nationalité.

Ce réseau de relations croisées, chacun le gère sur fond de ses us et coutumes, et sur fond de l’Ethique et de la spiritualité chrétienne.

* En ce qui concerne mon approfondissement de cette relation Foi chrétienne et Famille.

Mes propres recherches et enseignements ici m’ont permis de donner des cours sur la famille. Je retiens en fait que sur les plans biblique et théologique, la famille est le concept le plus utilisé pour rendre compte de l’essence et de l’existence de Dieu. On peut dire en clair que Dieu est famille ; et avec le Pape Jean-Paul Ier, que Dieu est Père et Mère. Ce modèle de famille divine que la théologie nomme la Trinité (Père – Fils et Esprit Saint) est le modèle de communion proposée à l’homme : unité dans la diversité – unité et triplicité. On peut dire que la Sainte Famille de Nazareth est l’incarnation de ce modèle divin ; car à Nazareth, la Trinité est là et avec elle, Joseph et Marie ! Une valeur forte en découle : la famille est signe de communion.

* Un autre point qui m’a marqué dans ce parcours universitaire, c’est la question du Mariage.

Il me souvient que l’Eglise, au cours du 5e synode de 1980, a introduit un principe d’accompagnement pastoral des familles : le principe de la gradualité ; en fait, sur fond de la théologie augustinienne du mariage ; sur fond des dispositions canoniques du mariage : unité – indissolubilité ;

consentement : ratifié et consommé, la réalité des couples oppose souvent une variété de cas. Comment les gérer pastoralement ?

La loi de gradualité veut que les caractéristiques de l’amour conjugal soient selon Humanaè Vitae :

ü Amour humain : sensible et spirituel : naturalité.

ü Amour total : Unité : un homme et une femme.

ü Amour fidèle et exclusif : indissolubilité : fidélité à vie.

ü Amour fécond : procréation : ouverture à la fécondité avec participation à la vie sociale et ecclésiale.

Ces caractéristiques se vivent dans un cheminement pédagogique de croissance : une route qui, sans s’opposer à la règle, aide plutôt à réaliser la règle : car ici, la loi de la gradualité ne veut pas dire la gradualité de la loi.

En fait, avec Humanae Vitae (de Paul VI en 1968) et avant lui Castii Connubii de Pie XI en 1930), le Concile Vatican II aidant, l’Exhortation Familiaris Consortio est comme ce texte qui, sur le plan pastoral, a fait des avancées sur ce qu’on peut appeler « l’articulation entre l’idéal chrétien de la famille et la réalité de la typologie bigarrée des modèles de familles ».

De fait, la typologie des familles est telle qu’aujourd’hui, la pastorale de la famille et même sa théologie ne peuvent difficilement échapper à la casuistique. Le cas par cas est nécessaire et fondamental !

C’est sur ce fond que j’interprète les questions actuelles.

* Sur le plan international

Rappelons-nous de la Conférence du Caire en septembre 1994 sur la population et le développement, les réserves du Saint Siège ont porté sur l’abus du concept de santé en lien avec la reproduction, la sexualité, la planification artificielle des naissances. Mais ces programmes des Nations Unies ont été mis en route ; le premier Synode Africain les avait dénoncés.

Lors de la Conférence mondiale sur les femmes à Beijing en septembre 1995, le Saint Siège a émis son désaccord sur le risque de l’individualisation des questions familiales, et même le choix d’une sexualité qui approuve l’avortement et l’homosexualité, et sur cette question de la santé reproductive.

Par rapport à ces instances, on note que la communauté internationale privilégie la voie de l’individualisme et la voie libertaire par rapport aux choix universels. Cela en réalité implique une grande diversité d’approches, un réalisme qui sacrifie les idéaux communs, humains et naturels.

Sur ce fond, il faut noter que ces courants de pensée, repris dans le protocole de Maputo de 2003 en Afrique (qui parle aussi de santé reproductive…) font de plus en plus la culture sur la famille aujourd’hui.


Aux Etats Unis,

ü 37 Etats et la Capitale D.C. (District Columbia) autorisent le mariage pour les couples de même sexe (avril 2015).

ü Cinq autres ont un avis suspendu suite à l’appel interjeté ;

ü Deux qui l’interdisent seulement.

Donc un pluralisme s’implante délibérément dans notre monde sur la question de la famille avec en appui, la pression idéologique et surtout les enjeux politiques de l’électorat. La démocratie légifère maintenant sur l’éthique ; une éthique démocratique est là. Pourtant, il est vrai que la vérité n’est pas liée à la quantité mais à la qualité !

* Sur un plan culturel africain

La question revient souvent, celle de la déstabilisation de la famille africaine ; elle est là ; les sociologues parlent de mutation. Il y a à constater que c’est toute la culture africaine qui fait face à la mondialisation. Une diversité typologique des familles s’installe délibérément en Afrique. Nos traditions du modèle familial naturel vont-elles résister ?

Pour essayer d’y répondre, après avoir mené des recherches poussées sur la culture Afrique publiée dans mon livre « L’Afrique Humaine » en 2005 que je vous conseille de lire,

J’ai, avec mes fidèles du Diocèse d’Ebolowa, produit une Charte diocésaine de la pastorale familiale. Car selon moi, et mes diocésains, l’heure de la diversité appelle l’heure de la personnalité ! En contexte de pluralisme, il s’agit du rendez-vous du donner et du recevoir. Mais pour donner, il faut être et il faut avoir.

Au moment où tout semble relatif, il faut privilégier le choix, la conviction personnelle et communautaire ; il faut surtout privilégier la foi en Dieu. Ce document pastoral présente de façon claire les valeurs africaines et chrétiennes qui sont en accord avec la foi de l’Eglise et des fidèles et parfois à contre-courant des options en pointe dans la nouvelle démocratie éthique. Personnalisation et affirmation communautaire des valeurs ecclésiales et humaines.

* Sur le plan de la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun

L’assemblée récente d’Avril 2015 a parlé de la famille, mais c’est surtout les contributions au Synode qui indiquent vraiment la vision chrétienne de la famille chez nous. Il faut souligner que les Evêques du Cameroun ont beaucoup réfléchi sur la famille. On peut dire que leur orientation a été fortement marquée par l’Exhortation « Familiaris Consortio » - la loi de la gradualité qui n’est pas la gradualité de la loi, mais qui crée un cheminement de croissance.

Deux textes majeurs existent et mettent en pratique cette orientation :

ü L’un sur le Directoire de pastorale conjugale et familiale de 1981 ;

ü L’autre sur les cas canoniques du mariage.

* Sur le plan de l’ACERAC

Il s’est tenu à Brazzaville l’année dernière une assemblée sur ce thème de la famille.

Les Evêques de l’ACERAC ont davantage réaffirmé la canonicité des valeurs du mariage, l’immutabilité de la doctrine ; les cas diversifiés n’ont pas été étudiés. En clair, s’il y a nécessité d’une position de l’ACERAC, dans la mesure où le Synode pourrait la demander, le dossier de Brazzaville est tout indiqué.

* Sur le plan de l’Eglise Universelle

Il y a une dynamique en cours, les deux Synodes font un. Face donc aux mutations familiales en cours, face aux questions d’orientation familiale en cours, l’Eglise doit unir sa vision et prouver l’universalité de sa théologie et de ses convictions, tout en prouvant la pertinence de sa pastorale.

Au fond, les questions fondamentales sont les suivantes :

- C’est la mission de l’Eglise comme juge et médecin, celle de la justice et de la miséricorde qui est concernée.

- Par rapport à l’honneur de Dieu et le salut des âmes cf. can 978 §1 (le salut des âmes n’en subisse aucun détriment 1738-6 – 1737).

« Le salut des âmes qui doit toujours être dans l’Eglise la loi suprême » (can 1752 dans le Livre des procès.

En fait, les données doctrinales étant stables, il faut le réaffirmer ; l’Eglise recherche la voie d’un exercice de sanatio, de miséricorde et de salut des âmes.

- Il faut souligner que dans ce contexte de pluralité familiale, l’Eglise, à contre courant et en confiance à sa vérité et à la foi de ses fidèles, doit s’unir pour vivre la catholicité de sa doctrine, et la confirmer devant le monde.

- Il me semble que l’urgence actuelle est de faire valoir la via pulchritudinis, c’est-à-dire cette option bien-aimée du Pape Benoît XVI qui consiste à ne plus imposer la doctrine dans le contexte des libertés, mais à séduire en présentant la beauté de la vérité chrétienne par une évangélisation par la séduction de la vérité : faire aimer la vérité plutôt que de l’imposer.

Il s’agit de faire aimer la naturalité, l’hétérosexualité, la conjugalité, la brothicité de la famille, bref, un aggiornamento de la pastorale de la famille en mode séduction est nécessaire.

La doctrine de la famille et du mariage doit faire l’objet d’une nouvelle et généreuse propagation, car les générations actuelles l’ignorent, voire s’y opposent avec des moyens puissants.

A notre avis, ce monde a sur la famille une approche suicidaire : l’image qui me vient en tête est celle de deux enfants à qui on donne deux boutures de macabo à planter ; l’un dit : je plante cette bouture en mettant la tige dans la terre parce que c’est naturel ; l’autre dit : je plante ma bouture en mettant les feuilles dans la terre et la tige en l’air parce que c’est mon choix ! Après une période, ce qui était « naturel » a germé et a produit du fruit ; ce qui était de « mon choix » a péri…

Que l’Eglise soit convaincue et convaincante sur la fécondité du Naturel aujourd’hui !