Homélie du 3ème dimanche de Carême 2014

Bien aimé de Dieu, que la grâce de notre Seigneur Jésus le Christ l’amour de Dieu le Père et la Communion du Saint Esprit soient toujours avec vous !

Nous voici rendu à la troisième semaine du Carême, nous allons amorcer dès la semaine prochaine notre montée vers Pâques. Dimanche dernier nous avons écouté l’épisode de la transfiguration de Jésus et nous nous sommes rendu compte de la nécessité d’une forte relation à Dieu pour refléter la lumière du Christ qui est transmise par le baptême. « Celui-ci est mon fils bien aimé écoutez le » nous avait dit la voix du Seigneur. C’est sur cette note d’écoute de la parole de Dieu que nous nous sommes séparés pour annoncer aux quatre coins du monde que Jésus est Seigneur.

Les textes de ce dimanche nous parlent de la soif. La première lecture nous présente un peuple en manque d’eau et qui récrimine contre Dieu et Moïse. La réaction de Dieu est immédiate : il permet à Moïse de trouver l’eau dans le désert, mieux, il donne lui-même de l’eau à son peuple. Une telle réaction de Dieu dévoile sa puissance et son amour pour le peuple. Et le peuple encore en marche c'est-à-dire encore fragile répond par l’action de grâce. Mais cette action de grâce est aussi superficielle que la demande elle-même c’est à dire qu’elle ne va pas au-delà de la soif physique de l’eau pour aller à la recherche de Dieu qui donne l’eau même dans un désert. L’évangile est encore plus suggestif et donne plus de clarté sur le thème de la soif.

Tout commence par la mise en route de Jésus qui, voulant se rendre de Judée en Galilée, passe par la Samarie, figure de la terre étrangère. En effet, « les Juifs ne veulent rien avoir en commun avec les Samaritains », précise le narrateur. Mais Jésus passe les frontières entre les hommes et travaille pour la réconciliation. Ici, il se fait missionnaire de l’unité et du respect de la diversité. Ce n’est pas parce que l’autre n’est pas de mon ère culturel qu’il devient par le fait même mauvais ou bon. En chaque homme, il y a du bon et du mauvais. Et c’est pour nous sauver de nos mauvais penchants que Jésus viens chacun pour lui apporter le salut. Cette vision salvifique de Dieu est très bien illustrée dans la suite de cet évangile. Nous sommes à l'heure la plus chaude de la journée, Jésus est fatigué, il s'assoie au bord du puits de Jacob.

Au moment où le jour éclaire cette terre de sa pleine lumière, « arrive une femme » qui, contrainte par ses conditions matérielles de vie, vient comme chaque jour « puiser de l'eau ». La scène aurait pu être brève et anodine : a priori, l'homme juif devait rester indifférent au passage de cette Samaritaine. Mais contre toute attente Jésus prend l'initiative d'une demande : « Donne-moi à boire. » Il a soif, vu l’heure du jour c'est bien normal. En attendant ses disciples, il semble profiter de la première personne venue pouvant lui puiser un peu d'eau. Mais, parce qu'il est Juif, l'étonnement de la femme est immédiat : elle ne peut pas s'attendre à une telle demande ! Se sentant indigne, elle précise bien à cet homme juif, qui semble ne pas remarquer son aspect, qu'elle est Samaritaine. Mais l'homme n'en est pas dérouté pour autant. Sans tenir compte de l'apparente différence qui les sépare, il poursuit le dialogue. Comme un courtisan à la recherche d’une âme sœur.

Jésus emmène immédiatement la femme en terrain inconnu il parle du «don de Dieu », de « l'eau vive » et précise à la femme : « c'est toi qui aurais demandé»,  et elle ne peut pas comprendre le discours de Jésus il y a comme un dialogue de sourds. Elle essaie simplement de rappeler que le puits est profond, le plus profond de Palestine. Elle constate aussi que cet homme, malgré toute sa bonne volonté, aurait bien du mal à puiser de l'eau. Mais curieusement, elle ne fuit pas la conversation ; elle réfléchit et se sent en face d'un homme surprenant. Toutefois, il ne saurait être « plus grand que notre père Jacob » (v. 12) ou alors, semble-t-elle déjà se dire, c'est à n'y rien comprendre. Les deux interlocuteurs continuent à se parler, dans la distance spirituelle qui les sépare encore. Elle n'est préoccupée que par son besoin quotidien d'eau, il parle de pouvoir apaiser toute soif. Elle peine sous la corvée journalière, il évoque une source intarissable. Elle écoute avec bonne volonté, il se révèle avec respect. Elle entrevoit une issue à sa vie matérielle, il s'offre comme don spirituel.

Au moment même où la femme accepte la promesse (« Seigneur, donne-la moi, cette eau »), parce qu’elle reste sur sa soif matérielle, Jésus, n'y répond pas. Il en veut encore plus. Il veut davantage transformer l'existence de celle qu'il est venu rencontrer. Alors il change de sujet.

À la faveur du climat déjà plus familier de la conversation, Jésus se risque à placer cette femme en face d'elle-même. Il l'appelle à regarder sa vie, alors que lui semble déjà en connaître tous les secrets. Pas de doute, pour la Samaritaine : cet homme est « un prophète » (v. 19). Alors, sans timidité aucune, et sans colère, elle le pousse un peu plus loin et ose poser une question très sensible et, pour elle, vitale ! Prophète, oui, mais alors il doit savoir où il faut adorer Dieu. La réponse de Jésus n’estompe pas l’étonnement de la femme, il ouvre la porte de l’adoration à tous. C’est en esprit et en vérité que les vrais adorateurs vont désormais adorer Dieu. Il faut aller au-delà de l’espace et du temps physique. Une invitation très difficile pour cette femme de simple condition, mais que la parole de Jésus met progressivement en confiance. Jésus passe en effet à un cours de catéchèse au cours duquel il présente Dieu hors du temps et de l’espace et il justifie ainsi les raison de son bris de tabous. (Il est allé au-delà de ce qui était conçu par la vie relationnelle des deux tribus. Il n’aurait jamais dû entrer en contact avec cette étrangère Même les récipients sont impurs. Mais à travers cette rencontre, nous découvrons que le Messie n’est pas venu seulement pour le Peuple Juif. Il est venu appeler au Salut tous les hommes, y compris les païens. C’est au style de la maïeutique socratique que procède Jésus ouvrant progressivement à cette femme les portes de l’intuition et de la compréhension, elle arrive par elle-même à se rappeler la promesse de Dieu. « Je sais qu’un Messie doit venir – celui qu’on appelle le Christ, quand il viendra il nous annoncera toute chose. » La réponse de Jésus à l’affirmatif reste tout aussi étonnante pour nous que pour ceux qui ne comprennent pas pourquoi il parle avec une femme. Il est très rare dans les Evangiles d’entendre le Christ se déclarer le Messie.

Je pense pour ma part, qu’il s’agit là du résultat de la confiance établie entre les deux interlocuteurs. Autrement dit, c’est quand on se laisse conduire progressivement par la main du Christ qu’il se donne à nous en se laissant découvrir tel qu’il est. Faire confiance au Seigneur veut dire que nous sommes certains que dans tout ce que nous vivons il est présent et nous écoute. Faire confiance ne veut pas dire que nous sommes imprévoyants, ni insouciants, mais que nous nous en remettons à Dieu car c’est lui qui conduit tout.

Je voudrais revenir en arrière au verset 16, Jésus essaie d’expliquer à cette femme que la vraie soif n’est pas celle qu’elle croit. Il la pousse dans ses retranchements : « Va, appelle ton mari et reviens. » A travers cet appel, il descend dans le puits trouble de la conscience de cette femme qui, avec ses cinq maris, se contente de  l’eau sale. Elle fuit la réalité et refuse de se regarder en face. Jésus voudrais être devant elle comme un miroir. Il fait remonter à la surface l’écume du péché pour l’enlever. Il  veut éveiller en elle une autre soif, la soif de Dieu. Cette transformation pourrait tout changer jusque dans sa manière de croire et de prier.

C’est là que nous avons besoin de revenir au point de départ de notre vie chrétienne, pour nous rendre compte que  la vie chrétienne témoigne et exprime de façon forte, le fait que Dieu et l’homme se cherchent réciproquement. Il s’agit alors de s’identifier à la samaritaine pour refaire sa route et comprendre par le fait même que la vie chrétienne reste une école privilégiée de la conversion du cœur, de la reconnaissance humble de notre propre misère, elle est aussi une école de la confiance dans la miséricorde de Dieu, dans son amour qui n’abandonne jamais. Comme le dit si bien le Pape Benoit XVI, « plus on s’approche de Dieu, plus on est proche de lui, plus on est utile aux autres »

Les cinq maris de cette femme, nous présentent une situation symbolique. Ils désignent les cinq divinités païennes des Samaritains (2 Rois 17. 25-34). Le mari que la femme a maintenant n’est pas le vrai Dieu. C’est pour nous l’occasion de nous laisser interroger sur les faux dieux vers lesquels nous nous tournons ; ces divinités s’appellent confort, pouvoir, réputation, désir de paraître, individualisme, argent. C’est là que Jésus veut nous rejoindre pour creuser en nous une soif nouvelle. Celle de la vie, celle de la paix qui se résume en la soif de Dieu.

Aujourd’hui, Jésus se présente comme l’eau vive qui donne la vie. C’est auprès de lui que nous sommes tous appelés à nous désaltérer, même les plus grands pécheurs. Cette eau qui donne vie, c’est aussi celle qui purifie. Quand le vêtement de notre baptême est sale, c’est l’eau de Jésus qui le lave. Notre marche chrétienne est souvent fatiguée par les doutes, les échecs, les aspirations non satisfaites. On croit trouver le bonheur dans les objets de consommation, mais au bout du compte, on est déçu.

Alors, comme la Samaritaine, nous sommes invités à venir au puits et à nous asseoir près de Jésus qui nous attend. C’est cette démarche que nous faisons chaque fois que nous allons rencontrer un prêtre pour le sacrement du pardon. Et bien sûr, cette rencontre personnelle avec le Christ se fait dans la prière, la méditation des textes bibliques et surtout l’Eucharistie.

Quand on a rencontré le Christ, tout change dans la vie. C’est ce qui s’est passé pour la Samaritaine. Elle a abandonné sa cruche car elle disposait déjà d’une source intérieure. (Nous revoyons l’expérience des premiers disciples qui laisse tout pour suivre le Christ. Cette femme a rencontré le Christ maintenant elle se tourne vers le monde pour donner le Christ.) Elle revient à la ville pour dire aux gens de son peuple : « venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ; ne serait-ce pas le Messie ? » Son témoignage a été primordial. Mais ce qui a amené les samaritains à croire c’est l’action de Dieu dans leur cœur. Il en est de même aujourd’hui. Nous sommes envoyés pour témoigner de la bonne nouvelle. Mais l’Esprit de Dieu nous précède auprès de ceux qu’il met sur notre route. Avec la Samaritaine et des millions de croyants à travers le monde, nous proclamons : « Nous savons que Jésus est vraiment le Sauveur du monde ».

Abbé François Xavier OLOMO

 

 

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