HOMELIE DU JEUDI SAINT (2014)

« Faites cela en mémoire de moi. » 1Co 11, 24b. Telle est la recommandation que Jésus donne à se Apôtres, au soir de son parcours terrestre.

Cet ordre donné au cours de la Cène constitue l’un des versets de l’Evangile que les chrétiens de toutes les confessions ont le plus souvent entendus et que les ministres de toutes les églises ont le plus souvent répétés.

Aussi voudrions-nous ressortir le profond mystère contenu dans cette réitération, en donnant son sens et ses implications dans la vie du chrétien. Et pour y parvenir, il nous incombe d’analyser les gestes posés par Notre Seigneur Jésus, au cours du repas où ces paroles ont été prononcées.

En effet, au-delà des querelles théologiques sur le caractère pascal de ce repas, la Cène est le repas que Jésus fit préparer par ses Apôtres au soir de sa vie. Sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, d’où la considération du récit que nous venons de suivre, par l’exégète Raymond BROWN, comme préambule du livre de la Gloire ; Jésus désira d’un grand désir prendre un dernier repas avec ceux qui lui étaient proches (Jn 13, 1).

Au cours donc de ce repas, dit pascal, il aura à laver les pieds de ses Apôtres ; à rompre le pain et à le partager ; à bénir le vin et à le distribuer ; enfin à donner un ordre de réitération.

En réalité, le Seigneur dans la forme d’esclave, lave les pieds de ses Apôtres. Il n’est pas le premier à laver les pieds aux autres, mais dans sa catégorie il est bel et bien le tout premier. Il s’agit, non d’un enseignement nouveau dans le fait ; mais dans sa nature. Ontologiquement, il est nouveau. Car, geste  exigé, exclusivement que d’un esclave païen, Jésus va le faire pour signifier le caractère, non humain mais divin de sa Seigneurie. En se levant pour accomplir ce geste, Jésus s’élève mais pour effectuer la kénose. Plus qu’un geste d’humilité, le lavement de pieds de Jésus à ses Apôtres est un geste d’hospitalité ; et nous le savons, dans l’Odysée, c’était un geste d’accueil, ne pas le faire était un signe d’hostilité. Mais l’hospitalité dont il est, ici question, réside dans son propre corps : « Si je ne te lave pas, tu n’auras point de part avec moi » (Jn13, 8) dira-t-il ainsi à Pierre.

Jésus ne se limitera pas au lavement de pieds, il va rompre le pain et le partager.

De fait, au lavement des mains et à la coupe de la Haggadah, succédait, dans le rituel juif, le repas pascal proprement dit, avec la bénédiction sur le pain azyme dite par le père de famille. Mais au jour du repas pascal, Jésus donne aux bénédictions du pain et à cette coupe un sens d’une nouveauté inouïe : « Ceci est mon corps qui est pour vous » (1Co 11, 23) Il s’agit là du don total de Jésus à l’humanité et dont la consommation donne le salut.

De la coupe de bénédiction qui introduit à la louange dans le repas du seder, Jésus fait le signe du don de son sang. Son sang sera versé ; c’est l’annonce explicite de sa mort. Ainsi, qui boit de ce sang, aura la vie. C’est le sang de l’alliance. Célébrer la Cène du Seigneur, est donc plus que s’asseoir à sa table, mais être appelé à l’alliance nouvelle, à l’alliance éternelle.

Quand s’approche la mort, vient l’heure du testament. Celui de Jésus est bref : « Faites cela en mémoire de moi. »

Le testament de Jésus est la recommandation à ses Apôtres de célébrer l’Eucharistie, de partager le pain et la coupe eucharistique en mémoire de lui. En ce commandement, transparait aussi l’unique commandement de Jésus : l’amour.

En demandant à ses Apôtres de faire cela en mémoire de lui, Jésus voudrait que se perpétuent les valeurs d’humilité, de service et de charité qu’il leur a enseignées toute sa vie durant. Cet amour va trouver son sens complet dans le don total que Jésus fait à l’humanité en se livrant à la mort sur la croix.

Faites cela en mémoire de moi est donc le seul et véritable héritage que Jésus lègue à ses Apôtres. N’ayant ni or, ni argent, Jésus ne peut laisser à ses Apôtres que ce qui leur procurera la vie éternelle à savoir l’observation de son enseignement et la configuration à lui. De la sorte, le devoir du disciple, consistera, non seulement dans la continuité de ce rassemblement, du partage et de service, mais aussi dans la transmission de cet héritage tel quel aux générations futures.

« Faites cela en mémoire de moi » implique le commandement de faire et de bâtir l’Eglise unique et universelle, rassemblement autour du sacrifice de Jésus. C’est un ordre à perspective ecclésiale. Car Jésus ne s’est pas adressé individuellement à ses Apôtres, mais au collège et comme tel à l’Eglise. Nous sommes donc amenés à comprendre que nul baptisé n’est propriétaire du sacrifice eucharistique. Il le reçoit par l’Eglise, de l’Eglise et dans l’Eglise.

En instituant l’Ordre et l’Eucharistie, le Christ a donné l’ordre et le pouvoir à ses Apôtres, pris collégialement de faire en mémoire de lui ce qu’il a fait lui-même.

Comme le Christ, nous sommes appelés à être des serviteurs, non dans le sens usuel du terme où rendre service revient à focaliser l’attention sur soi mais dans celui spirituelqui vise le décentrement de soi pour la croissance du Règne  de Dieu parmi nous. Ainsi l’interpellation va à l’endroit de tout chrétien et beaucoup plus vers ceux qui exercent des fonctions publiques. Nous sommes conviés à servir avec abnégation et amour. Nous le savons, la recherche des honneurs et des biens matériels peut faire ombrage au service véritable. Ainsi, nous servons le plus offrant ou notre connaissance, notre frère ou notre sœur. Toute pratique qui promeut l’égoïsme, l’ethnocentrisme, le tribalisme ou le favoritisme. Pourtant, la recommandation de Jésus est clair là-dessus : « C’est un exemple que je vous ai donné, afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

Jésus nous enseigne que le plus grand est celui qui sert. Il est donc question que les chefs, ceux qui ont à leur disposition des hommes, travaillent pour la promotion de l’humain et l’épanouissement de l’homme et de tout homme. De cette façon, nous bannirons des barrières d’hostilité en vue de la communion que le Christ vit avec ses Apôtres et à laquelle nous sommes convoqués

La posture assise autour d’une table est un signe de communion ; communion qui ouvre à l’universel. Ceci étant, l’Eucharistie est le lieu de rassemblement ; car venant d’étoudi,d’etambafia, de nkolbison, de nkoldongo,de messa si ou de minkan, nous nous réunissons autour de la table eucharistique et ne formons plus qu’une famille.

L’ordre de réitération, à n’en point douter n’est pas seulement un précepte mais aussi une réalité actuelle vécue. Notre pays en est une belle illustration, en ce sens que nous pouvons y voir différentes tribus vivant ensemble, se mariant et fondant  des familles. Les communautés religieuses sont aussi des lieux de cette communion fraternelle. Suivez mon regard. Fils d’un même Père, nous avons part au même corps et au même sang.

Mais, mentionnons-le, la participation à ce banquet présuppose un état d’âme pur ; état que nous obtenons par le sacrement de la réconciliation. Il existe donc un lien intrinsèque entre l’eucharistie et la réconciliation, car même si nous tendons à négliger la nécessité d’être dans la grâce de Dieu pour s’approcher dignement de la communion sacramentelle, il est judicieux que nous rappelions que le péché n’est jamais une réalité exclusivement individuelle, mais comporte toujours une blessure au sein de la communion ecclésiale, dans laquelle nous sommes insérés par le baptême.

Comment ne pas dire que l’eucharistie est le lieu de la réconciliation quand nous savons que l’accès à la table eucharistique est précédé de cette recommandation : « Dans la charité du christ donnez-vous la paix » ? C’est là, le moment où opposants ; bailleurs et locataires ; employeurs et employés, créanciers et débiteurs, curés et vicaires sont appelés à laisser de côté toute haine ou rancœur et à recevoir la paix donnée dans le Christ ; paix qui, à travers la salutation nous unit et nous réconcilie.

« Faites cela en mémoire de moi » renvoyant aux paroles et à la vie de Jésus, les Apôtres, témoins directs de tous ces évènements ont transmis ce qu’ils ont reçu. Et nous chrétiens, nous devons en faire autant. Transmettre par la parole, mais aussi et surtout par notre vie.

Nous devenons témoins lorsque, par nos actions, nos paroles et nos comportements, un Autre transparait et est communiqué. Par notre vie, nous devons donc être à même de convertir, d’édifier et même de donner notre vie pour la cause du Christ. Toute chose que chacun de ces prêtres ici, présents a faite.Mais n’allez pas croire que c’est par lâcheté qu’ils l’ont fait.

Vous savez, si nous avons donné notre vie, ce n’est pas parce que nous étions des pires élèves. Au contraire !

Ce n’est pas parce que nous étions des plus âgés de nos promotions. Vous n’avez qu’à regarder notre autel.

Ce n’est  pas pour un bon salaire, car nous n’en avons même pas.

Ce n’est pas parce que nous n’avions trouvé ni Julie ni Suzette, par manque de beauté, et qu’en désespoir de cause nous avons choisis  Jésus. Vous n’avez qu’à témoigner vous-mêmes.

Ce n’est pas pour une reconnaissance sociale, si oui laquelle ?

C’est simplement par Amour de Dieu et  pour répondre à son appel.

C’est pour vous, en  paraphrasant le saint curé d’Ars que nous sommes là. Nous prêchons Jésus Christ, nous prêchons la beauté de sa vie, la beauté de son Evangile, la beauté du sacerdoce.

Nous ne cesserons de l’annoncer pour faire grandir en chacun, et en nous les premiers, le désir de le vivre.

Nous le faisons avec nos qualités mais aussi avec nos limites. Une seule chose est vraie, c’est l’œuvre de Dieu que nous perpétrons et c’est une grâce pour vous que de nous avoir.

Demandez-nous donc de vous donner la parole de vie.

Demandez-nous la miséricorde de Dieu dans le sacrement du pardon. Ca, personne d’autre qu’un prêtre ne pourra vous la donner. Même si nous pouvons parfois vous paraître affairés ou débordés, demandez-nous la, car c’est pour vous communiquer Dieu que nous sommes là.

Cependant, ne vous limitez pas à nous demander, apprenez-nous aussi à être pauvres et à l’abri du besoin, à être disponibles tout en restant détendus,  à être libres de tout et attachés à rien ; à rien d’autre qu’à Jésus Christ et à vous, le peuple que Dieu nous a confié.

Car, un prêtre est pour une communauté, pour un catholique, le plus beau don que le Seigneur puisse lui faire : « l’absence d’un  prêtre dans une vie c’est une misère sans nom, c’est la seule misère » disait Madeleine Delbrel.

Nous sommes là pour vous. Nous avons donné notre vie pour vous. Mais nous avons besoin de vous aussi.

Nous serons de saints prêtres si vous nous demandez d’être prêtre, si vous nous aidez à être prêtre.

Votre exigence rend le prêtre bon,

Votre bonté rend le prêtre juste,

Votre sainteté rend le prêtre saint.

Priez pour vos prêtres, afin qu’ils vous entraînent à la suite du Christ,

Priez pour vos prêtres, afin qu’ils soient des saints,

Priez pour vous-mêmes, afin que Dieu exauce tous vos vœux et vous comble bien au-delà de vos attentes.

Priez pour moi !

 

Abbé Ghislain Martin ABEGA MESSI.

ACTION 45 Des Solutions innovantes pour votre Avenir Numérique